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porte néanmoins en homme civilisé et a adopté, dans son mariage, notre genre de vie, notre langage, et, — ce qui est mieux, — nos mœurs.

Au sortir de Rabat, nous nous engageons sur un plateau très dénudé. Çà et là quelques champs de maïs non encore cueilli sont surmontés par le mirador en branchages des gardiens de récoltes : dans le bled, il faut en effet protéger les moissons contre les passans qui, sans respect pour la propriété, laisseraient paître leurs troupeaux dans les champs cultivés et dédaigneraient l’herbe maigre du pâturage banal. Des buissons de lentisques, des palmiers nains, de nombreuses fleurs de toutes les variétés possibles, donnent au bled marocain un aspect très riant que je ne rencontrais pas, il y a quelques jours, dans les solitudes sahariennes autour de Figuig. Très loin devant nous, on aperçoit une forêt aux arbres clairsemés, — à droite à 10 kilomètres l’Atlantique. Nous croirions cheminer dans un désert, si de loin en loin on n’apercevait pas des groupes de tentes, des douars de la tribu des Arabs. Des pasteurs avec leurs troupeaux se tiennent à proximité. Mon compagnon me devançant au galop va parlementer avec les nomades qui sortent à notre approche de leur village en toile, et nous continuons notre route.

Le terrain devient ondulé, puis nettement accidenté. Nous cheminons maintenant sur le territoire des Zaërs : nous voici au bord d’un ravin profond débouchant dans la vallée sinueuse de l’oued bou Regreg, dont j’aperçois les eaux à un kilomètre à peine. Une douzaine de douars sont pittoresquement établis sur le plateau qui domine ce paysage un peu trop dépourvu d’arbres, mais néanmoins très riant. Huit ou dix Marocains tenant à la main le fusil, dont ils ne se séparent jamais, sont sortis de leurs tentes et nous observent. Gebeli, me devançant une dernière fois au galop, s’est fait connaître, et mes nouveaux amis viennent au-devant de moi, souriant et la main tendue.

Six tentes de forme aplatie et d’une couleur brun foncé, qui les rend presque invisibles à courte distance, sont disposées à une vingtaine de mètres les unes des autres. Quelques chevaux, des mulets et des ânes sont entravés et attachés à des piquets à côté d’elles. Trois Zaërs apportent un grand tapis roulé dans la plus large des six tentes, qui a 20 mètres de long sur 9 mètres de large. Elle est séparée en deux compartimens par une sorte