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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/872

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monogames. Mais si le commerce réussit, l’argent surabondant amène avec lui la démoralisation, la dissociation de la famille. Le négociant enrichi s’entoure de femmes et récompense l’activité dépensée à son service par la compagne des mauvais jours en lui donnant dix, vingt, et jusqu’à cinquante rivales.

Rendons maintenant visite aux membres de l’aristocratie marocaine enrichis par les fonctions publiques souvent héréditaires dans les familles.

On admet généralement que le caïd de Tetouan gagne 150 000 francs par an, celui de Rabat 120 000 comme celui de Mekinès, celui de Salé 100 000. Or les caïds ne sont guère que les maires des grandes villes. Les cadis chargés de la justice gagnent un peu moins. Les directeurs des services publics réalisent tous d’énormes bénéfices. Dans ces conditions, toutes les fonctions, même les plus modestes, étant infiniment plus rémunératrices que dans les pays civilisés sont extrêmement recherchées. Ce renseignement préalable était nécessaire pour faire comprendre qu’on rencontre un peu partout des Marocains millionnaires.

Deux questions viennent à l’esprit quand on fait cette constatation : les services rendus par le pacha, le caïd, le cadi, sont-ils en rapport avec leur rémunération ? Non évidemment, car le plus grand désordre règne dans l’administration et dans les services publics.

Pouvons-nous laisser subsister des pratiques incorrectes à notre sens, quoique admises comme légitimes par les administrés marocains eux-mêmes, pratiques grâce auxquelles les fonctionnaires réalisent en peu d’années de scandaleuses fortunes ? Non encore : une semblable tolérance serait absolument contraire à nos principes.

Dans ces conditions l’aristocratie marocaine verra évidemment avec regret la révolution administrative qui sera la conséquence forcée de notre tutelle, tandis que les gens du peuple et de la petite bourgeoisie se rallieront à nous sans arrière-pensée, parce que nous apportons plus d’ordre et de sécurité.

Nous aurions grand tort néanmoins de dédaigner l’appui que peuvent nous donner les familles aristocratiques, toujours