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REVUE DES DEUX MONDES.

Tel fut Giovanni Pascoli. Il s’est comparé lui-même à une lampe, à une humble lampe campagnarde qu’on allume à la veillée, et qu’on suspend à la poutre du plafond : ses rayons ne dissipent pas toutes les ténèbres, et les recoins demeurent obscurs ; mais ils brillent d’un éclat très doux, et, venant frapper la fenêtre, se font voir même au dehors. Le voyageur qui suit la roule de la vie s’arrête un instant, laisse les rayons caresser son âme, et repart en chantant. — L’image ne manque pas de justesse : pourtant, il en est une autre que nous lui préférons. Car il a dit aussi qu’il y avait dans chacun de nous un enfant, qui reste jeune quand nous veillissons ; capricieux et déraisonnable, belliqueux chez l’homme pacifique, et fou chez l’homme sérieux : mais regardant toutes choses d’un œil si ravi ; si sincère et si spontané dans tous ses sentimens ; si désintéressé dans ses actes ; si naturel enfin, qu’à vouloir le faire taire, nous perdrions peut-être le meilleur de nous-mêmes. C’est parce que Pascoli a laissé librement parler cette voix enfantine, cette voix de poésie et de rêve, que nous l’aimons.

Le plus grand poète de l’Italie depuis Pétrarque, a prononcé d’Annunzio ; c’est trop dire. Un petit grand poète, déclare au contraire Benedetto Croce ; ce n’est pas assez. Une belle âme, pense Vittorio Cian, son ami : sincère et bonne.

Paul Hazard.