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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

détestait l’état ecclésiastique et ne songeait qu’à rentrer dans la vie civile qui lui permettrait d’assouvir sa passion de gloire et de plaisirs, aussi sa fureur guerrière, de mener à bonne fin ses projets ambitieux et ceux de son père, surtout de devenir avant tout le chef incontesté des années pontificales.

Un nouvel événement également imprévu : la mort subite à Amboise du roi Charles VIII, le 7 avril 1498, moins d’un an après celle de Gandia, précipita encore les événemens pour César. Avec leur intelligence pratique, dépourvue de tout scrupule, les deux Borgia, le fils comme le père, eurent tôt fait de deviner à quel point le changement de règne allait servir leurs appétits de gloire. César, qui ne cachait point son ardente envie de déposer la pourpre et de débuter dans sa nouvelle existence par un mariage quasi royal, avait le plus grand besoin de la protection du nouveau chef de la maison de France, Louis d’Orléans, devenu le roi Louis XII. D’autre part, ce dernier, à peine sur le trône, n’avait pas de plus pressant, de plus impérieux désir que d’obtenir de la cour romaine l’annulation de son mariage avec son épouse délestée : Jeanne, fille de Louis XI, la future sainte Jeanne de Valois, pour pouvoir convoler aussitôt en secondes noces avec la veuve de son prédécesseur, cette fameuse Anne de Bretagne qui lui apportait en dot le plus beau fleuron de la couronne de France, le duché de Bretagne.

Le l’ape et César d’un côté, Louis XII et ses conseillers, les deux d’Amboise, de l’autre, ne mirent pas longtemps à s’entendre. Ainsi que le dit Charles Yriarte, l’érudit historien de César, « une logique implacable va désormais présider à l’enchaînement rapide des faits qui vont se dérouler devant nous, César, meurtrier de son frère, rentrera d’abord dans le siècle en déposant la pourpre ; une fois laïque et libre, il prendra aussitôt l’épée, et, ramassant le gonfanon de l’église tombé des mains mourantes de son frère Gandia, il s’intitulera capitaine-général des armées pontificales. Une fois capitaine-général il cherchera, une alliance royale pour s’appuyer sur les forces d’un souverain et reconstituer une armée ; vainqueur, il sera duc ; duc, il sera roi ou il succombera : aut Cæsar, aut nihil, sera désormais sa devise. »

Je continue pour ces événemens à suivre le récit de Charles Yriarte. « Dès le Blois de février 1498, le bruit de la renoncia-