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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

dans Bourges même, sous ses yeux et à ses frais, elle s’entoura dans son intimité particulière d’un petit cercle de femmes de haut rang, comme elle victimes de la vie, qui étaient avec elle en communauté de pensées et d’intérêts religieux et charitables, et qui lui composaient à la fois une petite cour et une véritable congrégation pieuse destinée à l’assister dans ses charités comme dans ses dévotions. Il faut citer avant tout, parmi ces femmes si distinguées que leurs malheurs et leur piété réunissaient autour de la reine découronnée, les noms de la propre dame d’honneur de Jeanne, Françoise de Maillé, de Jeanne Malet de Graville, gracieuse jeune femme mariée à un d’Amboise et qui s’était donné pour mission de ressembler à sa chère reine, de Mme d’Aumont, épouse abandonnée puis veuve, de Mme de Chaumont, deux fois veuve, mère non moins infortunée, de la reine de Hongrie, Béatrice d’Aragon, veuve de Mathias Corvin, puis répudiée par son second époux le roi Ladislas, qui vint en juillet 1502 séjourner à Bourges, enfin de nombre de jeunes filles nobles, malheureuses ou voulant se vouer à la religion : Jeanne de Bourbon entre autres, fille de Guy de Bourbon, qui ne voulut jamais plus quitter la reine et mourut, dit-on, de douleur à sa mort.

Mais, parmi toutes ces victimes de la société, de la politique, de tant d’autres causes, la plus intéressante certainement était Charlotte d’Albret qui, à l’égal de sa sainte amie, se considérait comme veuve, même avant la mort de son mari. Depuis sa solitude, elle n’avait plus qu’une pensée, plus qu’un bonheur : aller trouver la reine, le plus souvent qu’elle le pourrait, pour vivre de sa vie, partager ses austères exercices, faire à ses côtés îles retraites dans ce couvent de l’Annonciade devenu la principale préoccupation de Jeanne et la seconder de toutes ses forces dans le dévouement qu’elle témoignait à sa création. Ces visites à Bourges, l’éducation de sa fille, le soin de ses biens, les intérêts de ses vassaux remplissaient l’existence de Charlotte. La reine Anne avait bien tenté de lui exprimer la tendresse qu’elle ressentait pour elle et de l’attirer à nouveau à sa cour. Elle avait même fait informer de ces sentimens du Pape, qui la remercia par un bref daté de Rome du 26 août 1501. Mais tout fut en vain. En 1508 cependant, nous voyons encore Anne adresser un présent à sa cousine, la duchesse de Valentinois.

Charlotte d’Albret avait pris le même confesseur et direc-