Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
REVUE DES DEUX MONDES.

teur de ses exercices spirituels que la reine Jeanne : c’était le fameux Père Gilbert Nicolas, dit Gabriel-Marie, religieux de l’ordre de Saint-François, « personnage bien versé en la science des Saints, » qui joua un si grand rôle dans les dernières années de la vie de l’ex-reine et qui fut aussi le confesseur de Marguerite de Lorraine, duchesse d’Alençon, « de laquelle la mémoire est en bénédiction. » Le plus grand plaisir que la princesse Charlotte recevait, dit le Père Hilarion de la Coste, c’était quand quelqu’une de ses demoiselles ou filles suivantes embrassait la vie religieuse et voulait servir Dieu dans un monastère. Elle assistait à leur vêture et à leur profession, leur servant de mère et de marraine, s’éjouissant d’avoir donné une nouvelle épouse à Jésus-Christ. Les registres ou archives du couvent des Annonciades de Bourges, on dit que « la duchesse de Valentinois assista à la réception d’une de ses filles d’honneur, nommée Anne d’Orval, fille de noble homme Jean d’Orval et d’Isabeau de Molitor, et qu’elle était grandement affectionnée à l’avancement de l’Ordre de la Sainte-Vierge, étant parfaite imitatrice de la bienheureuse Jeanne. »

En l’an 1504, la princesse Charlotte, très probablement à la suite des malheurs et de la captivité de son époux, désireuse d’établir encore plus discrètement sa vie douloureuse et isolée loin de tous les bruits du monde, abandonna sa résidence pourtant bien claustrale déjà d’Issoudun, pour une localité encore plus méridionale du Berry. Par acte du 20 juin, signé par devant les maîtres notaires royaux à Issoudun, elle acquit pour le prix de vingt-huit mille livres tournois le château de la Motte-Feuilly, entre La Châtre et Chàteau-Meillant, dont elle devait faire sa résidence définitive. Avec le château, elle acheta la terre et les justices du même nom, ainsi que celles de Néret et de Feusines avec leurs appartenances et dépendances.

Dans cette nouvelle résidence, Charlotte d’Albret se trouvait plus éloignée de la ville de Bourges, habitée par son amie. Malgré les difficultés de tout voyage à cette époque, malgré les routes affreuses, tantôt montée sur sa haquenée, tantôt transportée en litière, elle continua à accourir auprès d’elle le plus souvent possible. Ce ne fut que pour bien peu de temps : les jours de Jeanne de Valois étaient comptés. Son corps frêle et infirme, épuisé aussi par tant de pieuses macérations, ne se soutenait plus qu’à grand’peine. Dès le 4 février 1505, après une