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LA VOCATION PAYSANNE ET L’ÉCOLE.

exalter jusqu’à l’enthousiasme les admirations reçues de l’hérédité et du milieu ? La première est celle du cadre où l’enfant est né et où le métier doit retenir sa vie. La prise du village sur l’âme des jeunes était telle autrefois que quelques-uns, devenus soldats, ne se consolaient pas de l’avoir quitté. Les médecins militaires nous ont laissé d’émouvantes descriptions de ce curieux mal du pays, qui frappait plus d’un conscrit, brisait ses résistances physiques, le couchait sur un lit d’hôpital et fermait à jamais ses pauvres yeux parce qu’ils étaient privés de la douceur de l’horizon natal.

Cette prise sur l’âme, bien moindre aujourd’hui, est encore très forte au moment où l’enfant devient écolier. Il faut employer à la consolider l’enseignement lui-même et tirer un secours de ce qui est un danger ; il faut donner au village, pour qu’aucune comparaison ne lui soit humiliante ou défavorable, une grandeur et une beauté d’emprunt qui seront celles de tout le passé de la France. L’histoire de la grande patrie se déroulera tout entière dans la petite ; celle-ci prendra dans l’imagination de l’enfant, au récit de ce conte merveilleux, des proportions incomparables, au-dessus de toute atteinte.

C’est le seul moyen et nous l’avons déjà indiqué. Nous y revenons parce que, si notre idée a été généralement approuvée, il semble qu’on ne veuille l’appliquer qu’avec timidité. Une circulaire récente du ministre de l’Instruction publique, « tenant compte d’un vif mouvement qui s’est produit en ces dernières années, » recommande aux maîtres l’étude de la géographie et de l’histoire locales, pour en mêler l’enseignement à celui de la géographie et de l’histoire nationales. « Il importe, ajoute le ministre, de mêler les deux enseignemens en puisant le plus possible les exemples dans le milieu même où les élèves résident, qu’ils connaissent et qu’ils aiment. Ce qui fait que l’histoire apparaît généralement à l’enfant comme une étude difficile et peu attrayante, c’est qu’elle lui est trop souvent présentée d’une manière abstraite et sans lien avec la réalité qu’il peut concevoir. On ne l’y intéresse vivement qu’à condition de solliciter sa curiosité et de provoquer son émotion. C’est surtout pour lui que l’histoire doit être, selon le mot de Michelet, une résurrection. » On ne saurait mieux dire. Nous demandions cela et même quelque chose de plus que nous demandons toujours. Nous voudrions que, de propos délibéré et par méthode,