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sombre domine cet ensemble confus, c’est une colline de rochers enfermée dans la ville. Le soleil est déjà bas, ses rayons obliques illuminent les faîtes, et découpent sur le ciel les contours des édifices, au pied desquels l’enceinte forme un ourlet d’ombre.

Quelques cavaliers venus au-devant de la colonne caracolent, le burnous flottant ; ils ont apporté à Cazemajou l’invitation à camper hors de la ville, lui seul sera admis auprès du Sultan.

Sur un mamelon, à 1 200 mètres de Zinder, le capitaine installe le bivouac ; il est trop tard pour rendre visite le soir même au sultan Ahmadou.

Déjà, dans le crépuscule, les maisons s’aplatissent, se nivellent, ne forment plus qu’un pêle-mêle, une confusion de cubes lourds, de blocs blanchâtres, à peine estompés sur l’étendue de la brousse ; tout se fond dans l’air gris ; les cavaliers au burnous flottant-ont franchi les murs de la ville, la plaine est silencieuse.

Au cours de la soirée, le capitaine Cazemajou se félicite de cette prise de contact avec Zinder : le Sultan n’a pas les mauvaises intentions qu’on lui prêtait, s’il avait voulu arrêter la mission, il l’aurait attaquée immédiatement ; il ne tient pas à ce que les tirailleurs pénètrent dans la ville, rien n’est plus naturel ; il craint d’effrayer la population, peut-être de se donner une apparence de soumission aux blancs.

L’interprète ne répond rien à ces hypothèses. Son regard se porte des tirailleurs accroupis devant un feu à la sentinelle qui veille en avant du campement, et ce regard traduit clairement la crainte d’une attaque. Le capitaine trouve son compagnon trop pessimiste. Néanmoins, il appelle le sergent Samba Taraoré et lui fait des recommandations pour la nuit. Celui-ci hoche la tête.

— Mon capitaine, ces gens-là y a pas bons.

Le caporal Kouby Keita, avec la familiarité des tirailleurs, résultat de leur confiance et de leur affection, s’est approché, et appuie l’affirmation du sergent.

— Ces gens-là y a pas bons. Toi n’as pas besoin de voir le Sultan demain.

Cazemajou hausse les épaules :

— Et pourquoi ?

— Ça manière de sauvages pour te prendre.

Samba et Kouby Keita insistent : ils ont entendu parler tes Haoussas, ils savent que le Sultan ne veut pas permettre aux blancs de passer chez lui. Zinder est la plus grande ville du