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Le Tchad ! Le colonel Monteil le vit en 1893. Son retour fut celui d’un vainqueur. Le Tchad n’était plus inaccessible. Vers lui convergèrent alors toutes les expéditions ; il devint le point de jonction désigné entre nos possessions du Congo, de l’Algérie et du Soudan. En 1898, il fut atteint sur sa rive orientale par le lieutenant Gentil parti du Congo ; la même année, deux missions se mettaient en route de l’Algérie et du Soudan pour y arriver, l’une par le Nord, l’autre par l’Ouest ; la première, celle de ; Fou-reau-Lamy, était une véritable colonne ; la deuxième, celle du capitaine Cazemajou, comptait seulement quelques hommes.

Le capitaine Cazemajou avait, en effet, quitté Say, n’emmenant avec lui que 18 tirailleurs et l’interprète Olive.

Cette escorte était suffisante pour traverser l’Afrique ; le colonel Monteil l’avait prouvé. Toutefois, une mission ne réussit dans de semblables conditions que par la diplomatie, l’habileté de son chef. Il faut connaître à fond le caractère des noirs, ne pas faire une faute, ne pas commettre une imprudence. Le capitaine Binger, lui aussi, en 1887, était allé presque sans escorte du Soudan à la Côte d’Ivoire ; en 1893, le capitaine Marchand avait réalisé le même exploit, en sens inverse et par une autre route ; mais Monteil, Binger et Marchand étaient des spécialistes de l’Afrique. Le capitaine Cazemajou ignorait le Soudan, il y venait pour la première fois, son entreprise était hasardeuse.

Jusqu’à la région de Demaghara, il ne-rencontre aucune difficulté. Dans ce pays, il est même bien accueilli par les Haoussas, intelligens, commerçans, et d’un naturel assez pacifique. Pourtant, des bruits alarmans circulent ; on lui dit de se méfier du sultan Ahmadou peu disposé à le laisser passer.

Il ne s’inquiète pas de ces racontars et poursuit sa route.

L’hivernage n’est pas encore commencé, les herbes sont desséchées par le soleil, ou brûlées par les indigènes, mais le pays est riche. Autour des villages, les terres sont défrichées ; champs de mil, champs de cotonniers attendent les premières pluies pour reverdir. Chaque jour, à l’étape, les vivres sont abondans, et, chaque soir, Cazemajou s’endort, confiant dans le lendemain.

Le 4 mai, il arrive en vue de Zinder. La grande cité noire du Sahara se profile sur l’horizon. Au-dessus des hautes murailles se dressent les minarets de ses mosquées, les toits de ses palais, ça et là, quelques arbres émergent, une masse imposante et