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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/186

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renouvelle son exploit de la veille : de nouveau les flammes s’élèvent sur Zinder.

Cette fois, c’en est trop ! Le Sultan est à bout de patience. Puisque ces hommes sont assez tous pour le braver, qu’ils meurent ! Au matin ses guerriers marchent contre le campement.

Le servent les laisse approcher ; à 500 mètres, il commande le feu, cette foule hurlante va connaître ce que peuvent les armes des blancs !

Chaque feu de salve fauche la cohue, y ouvre une brèche, l’éventre, chaque balle traverse plusieurs hommes. L’ennemi s’arrête, il ne crie plus ; le silence s’est fait devant cette ligne d’éclairs d’où jaillissent des gerbes de plomb mortelles ; et tout à coup, pris de panique, les soldats d’Ahmadou se dispersent, détalent vers la ville. Quelques cavaliers galopent encore çà et là, mais ils suivent le mouvement et s’engouffrent dans Zinder.

Samba Taraoré s’est avancé, et dans la plaine déserte, au milieu des cadavres, au pied de la muraille, il répète encore une fois :

— Rends-nous les corps de nos chefs.

Tout l’après-midi, les tirailleurs attendent un nouvel assaut ; la grande porte de fer ne se rouvre pas.

La nuit est venue, Zinder semble une ville morte. La petite troupe pourrait facilement battre en retraite, elle n’y songe pas : les cadavres des blancs sont là ; l’honneur et le devoir commandent de ne pas les abandonner.

Samba et Kouby se relaient pour veiller.

Le sergent vient de prendre le quart ; il contemple ces murailles noyées dans l’obscurité : comment les renverser ? Il n’a pas de canon !

Évidemment les sauvages ont peur, ils n’osent pas attaquer ! Ils resteront derrière leurs remparts sans offrir le combat, espérant que les tirailleurs lassés se retireront. Le front têtu de Samba se plisse, ses balafres de Bambara, de chaque côté des joues, se creusent sous l’effort de la colère et de la volonté. Non, ses tirailleurs ne s’en iront pas ! Ils assiégeront la ville ! Assiéger la ville ? Zinder a des vivres pour longtemps, pour plus longtemps peut-être que les tirailleurs !…

Tout à coup la figure de Samba s’illumine : là-bas, dans une dépression du terrain, sont les puits où s’alimente l’ennemi. Il