y inspira confiance et y joua bientôt un grand rôle. Comme il arrive souvent aux voluptueux, il n’était nullement méchant : ses manières étaient galantes, son style élégant, son esprit vif et spontané. Mais il était mal fait pour devenir le ministre dirigeant d’une principauté allemande dont il ne connaissait ni la langue, ni les dispositions traditionnelles.
Salabert devint en effet, au temps de la Révolution française, le ministre du duc Charles-Auguste, ce neveu et successeur de Christian IV, dont il avait été le précepteur, en même temps que de son frère le prince Max, qui devint le premier roi de Bavière. Mais lorsque nos troupes occupèrent Mannheimen 1793, l’abbé reçut si bien ses compatriotes jacobins et s’entendit si parfaitement avec les généraux de la Convention qu’il fut accusé de haute trahison et emprisonné peu après comme traître à l’Empire, par les ordres du gouvernement impérial. Bientôt élargi néanmoins sur les instances des princes palatino-bavarois, ses anciens élèves, il termina ses jours vingt ans plus tard à la cour royale de Bavière où il incarna jusqu’à sa fin les grâces musquées de l’époque Louis XV. A la veille de sa mort, il fit encore les délices et le sourire d’un souper fin auquel assistait Mannlich.
Mais il est temps de venir à ce dernier dignitaire de la petite cour dont nous lui devons le portrait fidèle, au peintre ordinaire du duc, Jean-Christian de Mannlich. Né en 1741 à Strasbourg, Mannlich était issu d’une famille distinguée qui figura dès le XVe siècle au livre d’or du patriciat de la ville d’Augsbourg et reçut de Charles-Quint en 1545 des lettres de noblesse. Son père, Conrad de Mannlich, dont on a quelques toiles consciencieuses, était déjà le peintre en titre de la cour de Deux-Ponts : aussi lorsque ce digne homme laissa le jeune Christian orphelin, dans sa dix-septième année, le duc promit-il à l’adolescent de lui servir de père et commença de lui tenir parole en l’envoyant tout d’abord travailler le dessin à l’Ecole des Beaux-Arts de Mannheim, à ce moment fort réputée par toute l’Allemagne.
Mannlich a si joliment conté ce premier pas dans le monde que nous lui emprunterons quelques traits de son récit : on croirait lire une page de Manon Lescaut. Lorsqu’il monta, dit-il, dans l’antique voiture de poste qui allait l’emporter loin des siens, il trouva les sièges du fond occupés par un négociant de Metz et