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revient si souvent sous notre plume en parlant de lui, c’est qu’il a été avant tout un libéral. Il appartenait à cette école de catholiques libéraux qui a jeté un vif éclat sur le dernier siècle et dont les représentans disparaissent successivement sans être remplacés : l’histoire leur rendra le témoignage qu’ils ont été des ouvriers de bonne volonté et que leur œuvre était bonne. Dans la poursuite d’objets d’un caractère aussi général, M. Anatole Leroy-Beaulieu pouvait moins que jamais borner son horizon à celui d’un seul pays. Il voyageait beaucoup pour se renseigner sur place par une enquête personnelle qu’il poursuivait avec une méthode scrupuleuse. Il était un de nos écrivains les plus connus au dehors, estimé partout, populaire dans certains pays. Son caractère généreux l’éloignait de toute prévention hostile : s’il était trop intelligent pour ne pas tout comprendre, il était loin de tout excuser, mais ses sévérités n’étaient jamais blessantes parce qu’elles étaient sans acrimonie ; elles visaient à convaincre, à toucher, jamais à blesser. Il a été certainement une des consciences les plus pures et lus plus éclairées de son temps. Dans les dernières années de sa vie, la direction de l’École libre des Sciences politiques, qui lui avait été confiée après la mort de Boutmy, l’avait mis en rapport avec les générations nouvelles : il aimait les jeunes gens, il savait se faire entendre d’eux, les diriger dans leurs études, les conseiller dans leurs travaux : il leur consacrait la meilleure partie de son temps. Nos lecteurs savent toutefois qu’il ne les oubliait pas. Sa mort fait un grand vide dans notre Revue qui a publié son œuvre presque entière et qui s’honorait de sa collaboration.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.