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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/383

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plus étendue en Cyrénaïque et des vallons arrosés dans le Djebel-Nefoussa, la« Libye » équivaut à l’Extrême-Sud Algérien. Ce ne sont que plaines stériles, dunes de sable et, plus au Sud, collines et plateaux calcinés. Nul cours d’eau, quelques sources de faible débit, quelques puits… Le désert, en un mot.

De Ben Gardane à Regdaline, pendant plus de 100 kilomètres, la piste s’allonge à travers la plaine et le marais. Pas un arbre, à peine de la broussaille ; ni villages, ni troupeaux. La solitude, le silence, un morne soleil et des vents déchaînés ! Les rares puits que l’on y trouve contiennent une eau chargée de magnésie qui, si elle convient à l’indigène, est contraire à l’Européen.

Il en est ainsi dans l’ensemble de ces territoires. On y a remédié dans le Sud-Tunisien, en construisant de vastes citernes. A Ben Gardane, la jarre d’eau douce se vend de huit à quinze sous, selon la saison.

A Regdaline, seulement, commencent les palmiers qui se succèdent dès lors en groupes de plus en plus rapprochés jusqu’à Zouara, Zavié, Azizié. Ces palmiers furent plus nombreux autrefois. Avec un peu de soin, plusieurs oasis envahies par le sable pourraient renaître.


On sait que, pour tenir contre la résistance opiniâtre qui leur fut opposée, les Italiens ont dû débarquer en Tripolitaine plus de 120 000 hommes. Dès le début des hostilités, c’est-à-dire dès les premières semaines d’octobre 1911, ils occupèrent les ports de Tripoli, Homs, Derna, Benghazi et Tobruk.

Ils s’en emparèrent facilement, mais depuis lors, leurs troupes y restent entassées sous la protection des canons de la flotte. Cela fait huit mois d’immobilité.

Jamais ils n’ont cherché à se rencontrer avec les Turcs dans une bataille décisive ; jamais ils n’ont lancé quelques milliers d’hommes résolus dans l’intérieur des terres ; pas une seule fois, ils n’ont tenté la destruction du camp d’Azizié, qui, au bout d’une plaine toute plate, n’est qu’à 40 kilomètres au Sud de Tripoli. Tout s’est borné jusqu’à présent à des escarmouches d’avant-postes !

Les troupes, immobilisées sur la côte, s’énervent et se démoralisent ; l’escadre se fatigue à tenir la mer depuis si longtemps pour les protéger. Cet été, le choléra risque de causer de grands ravages dans une telle agglomération d’hommes.