Dans leurs « presidios » inutiles et si chèrement conquis, les Italiens semblent résolus à se tenir sur la défensive, comme l’ont fait, pendant des siècles, les Espagnols au Maroc. Ils construisent, en ce moment, un mur d’enceinte autour de Tripoli. Quand ce mur sera terminé, ils pourront « décongestionner la place, » estimant que 25 000 hommes suffiront à la défendre.
Une inaction aussi prolongée répond, sans nul doute, à un plan mûrement élaboré. Pour qui ne connaît pas ce plan, elle est inexplicable.
La possession d’un pays ne résulte pas seulement d’un décret d’annexion. Encore faut-il en occuper les points stratégiques principaux, avoir réduit l’adversaire à merci, y percevoir l’impôt, en tout, y faire acte de souveraineté !
Quelles sont les forces musulmanes qui tiennent les Italiens en échec ?
Une armée turque réduite à un millier d’hommes, dont un bon tiers de malades, et au maximum 10 000 volontaires indigènes accourus des points les plus divers. Il y a quelques mois, leur nombre fut plus considérable. Il peut augmenter de nouveau après la moisson, quand le danger sera pressant… Il est venu des Garamantes du Fezzan, des cavaliers de l’Air, des Touareg du Sahara, ces derniers armés de la lance et montés à méharis. Certains ont mis plus de deux mois à faire le voyage. Tous les Tripolitains employés en Tunisie, dans les mines et dans les vignobles, ont abandonné la Régence au début de la guerre, pour courir au feu. Des bandes de cinquante à cent hommes passaient journellement la frontière. Ils vendaient tout ce qu’ils possédaient afin de s’équiper : tapis, bijoux des femmes, jusqu’à leurs tentes. Partout l’on souscrivit. Les fellahs les plus pauvres donnèrent leur obole. Des sommes considérables furent ainsi recueillies. Un élan unanime souleva le monde musulman, de l’Arabie au Maroc. Au mois de mars dernier, une souscription pour le Croissant rouge réunissait 120 000 francs dans la Régence de Tunis, seule.
Les armes et les munitions ne manquent point au camp turc. D’habiles corsaires qui viennent surtout des îles de l’archipel grec, — de Sicile aussi m’a-t-on dit, — assurent le ravitaillement. Tous ne passent point, mais les trois quarts