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Quoi qu’il en soit de la valeur individuelle des combattans, le contingent des troupes arabo-turques est numériquement faible.

Une autre cause de faiblesse réside encore dans ce fait que l’indigène est d’une inconstance extrême.

Les chefs de bande ne peuvent en répondre. Leurs hommes accourent, augmentent, diminuent avec une fantaisie que rien ne parvient à discipliner.

Un événement de famille, des soucis personnels, des questions d’intérêt, la célébration d’une fête religieuse les font souvent retourner chez eux alors que l’on en aurait un besoin urgent sur le champ de bataille. Autant qu’ils le peuvent, ils se cherchent des remplaçant, reviennent eux-mêmes avec diligence ; mais une telle inconsistance empêche toute opération régulière.

L’affluence de ces bandes ou leur dispersion tient à des causes profondes et en quelque sorte organiques. L’indigène d’aujourd’hui conçoit la guerre de la même façon que le Libyen d’autrefois, que l’Africain de tous les temps. La guerre, à ses yeux, n’est qu’une lutte temporaire destinée à procurer un profit immédiat.

Le manque de persévérance et de cohésion est l’une de ses caractéristiques les plus marquées.

En temps ordinaire, qui est l’état de guerre à l’état chronique, l’ennemi n’est-il pas le plus souvent la tribu voisine qu’il faut dépouiller de sa récolte et de ses troupeaux ?

Il y a quelques mois, dans un engagement près de Sciara-Sciat, plusieurs tribus momentanément unies contre les Italiens prirent à ceux-ci quelque butin. Aussitôt après le combat, elles s’en disputèrent la possession exclusive dans une mêlée sanglante.

Les exemples de cette sorte abondent, dominent y découvrirait-on, dans le cas actuel, le sacrifice à un idéal commun ? La haine du musulman contre le chrétien passe au second plan.

On a beaucoup parlé de la secte des Senoussis, et de son influence toute-puissante en Tripolitaine sur le fanatisme musulman. Or, ceux qui prétendent les connaître affirment que cette influence, d’ordre purement religieux, ne cherche pas