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obtenir seulement le droit de jouir de sa présence. Mais celle-ci ne se laissa pas fléchir. Elle poursuivit l’annulation du mariage en arguant de l’abus de pouvoir commis par son beau-père et aussi, en dépit d’une ancienne dispense, de la consanguinité au degré de cousin germain. L’affaire fut évoquée à Paris pour suspicion légitime. Le père de Mme de T… avait été, en effet, conseiller au Parlement de Rennes et surtout la population avait pris vivement parti, généralement, contre la demanderesse qu’on trouvait trop vindicative. Elle perdit sur la question de dissolution mais obtint la séparation. Elle fut placée comme pensionnaire chez les religieuses de la Propagation de la Foi où son mari fut autorisé à lui faire visite.

Ce fut encore une suivante qui mit la division dans le ménage du vicomte et de la vicomtesse de Lisle. Celle-ci s’en était engouée et lui faisait faire beaucoup de choses dans la maison. Le mari, au contraire, ne pouvait la souffrir et voulait la renvoyer. La vicomtesse vint vivre avec elle à Paris. Ici encore, comme dans le cas de M. et de Mme de T…, il s’agit d’une riche héritière, — Mme de Lisle avait 20 000 livres de rente, — et d’un ménage breton. Or en ce temps-là on comptait les bons ménages en Bretagne. Il n’y en avait que trois à Rennes et, dans la province, il y en avait beaucoup d’assez mauvais pour qu’on pût raconter tout bas comment ils avaient fini par la mort tragique du mari, par le crime de la femme. Dans le conflit conjugal entre le vicomte et la vicomtesse de Lisle, ce fut cette fois encore le mari qui eut le dessous car il fut obligé de venir rejoindre la vicomtesse à Paris. Le ménage de Quatresols de Montanglos, riche auditeur des comptes, offre encore un exemple de séparations accomplies sans l’intervention de la justice. De ce ménage peu uni étaient nés trois enfans, deux garçons et une fille. Les garçons étaient élevés par le père et la fille par la mère.

La séparation prenait aussi le caractère d’une pénalité domestique et alors elle pouvait aller jusqu’à l’internement. C’est ainsi que Louis de Bourbon, marquis de Malauze, relégua Charlotte de Kervénio, sa femme, qui était en même temps sa cousine germaine, dans son château de Miramont. Il donna l’ordre de ne la laisser manquer de rien, mais de ne lui laisser voir personne. Elle y mourut sans avoir recouvré les bonnes grâces de son mari, qu’elle paraît bien avoir trompé, mais qui avait beaucoup plus de choses qu’elle à se faire pardonner.