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pleinement admis. Le Figaro de Vienne représentait Bismarck tenant dans ses bras une poupée, qui avait les traits de Léon XIII, avec cette légende : « Les voilà de nouveau, tous les deux, si étroitement unis, qu’on peut craindre de les voir s’étouffer. »

Cette feuille plaisante était bien informée : le secrétaire d’Etat Jacobini avait, en effet, pris l’initiative d’une correspondance avec Bismarck ; le chancelier s’y était prêté. C’était une occasion, pour lui, de faire collaborer Rome, en quelque mesure, à l’application de la loi de 1880. Cette loi, on se le rappelle peut-être, autorisait le pouvoir civil à dispenser de l’obligation du serment les ecclésiastiques chargés provisoirement par l’Eglise d’administrer les évêchés vacans, et à les reconnaître, dès lors, comme administrateurs diocésains, sans leur poser aucunes conditions inacceptables. Sur neuf diocèses en souffrance, quatre l’étaient par la volonté de Dieu, cinq par la volonté de la Prusse. A Posen, à Cologne, à Munster, à Breslau, à Limbourg, l’Etat prussien avait déposé les évêques. L’Eglise n’admettait pas que ces diocèses-là fussent vacans ; le retour des pasteurs légitimes était pour elle la seule solution, et l’amusante caricature sur laquelle Bismarck, les mains encombrées par les lois de Mai, se cognait la tête contre une cathédrale, pouvait passer pour un symbole très exact des embarras du chancelier. Mais à Paderborn, à Osnabrück, à Fulda, à Trêves, la mort avait frappé les évêques ; il y avait là quatre diocèses effectivement veufs, dont les deux pouvoirs pouvaient utilement converser. Les chapitres de Paderborn, d’Osnabrück, de Fulda, désignèrent des vicaires capitulaires : ces trois personnages furent agréés par l’Etat, et dispensés du serment : dès le mois de mars 1881, le fonctionnement de la hiérarchie était ainsi rétabli dans trois circonscriptions ecclésiastiques, et Guillaume Ier, écrivant à son ami l’historien lieu mont, se réjouissait que la glace fût brisée entre Rome et Berlin ; il espérait, même, qu’elle finirait par fondre toujours davantage. Mais la glace, à Trêves, était plus lente à fondre : le chanoine di Lorenzi, recevant quelques notables de la ville, leur expliqua que, pour donner au gouvernement la preuve de son esprit pacifique, il remettait au Pape le soin d’étudier la difficulté, et qu’il était confiant dans la sagesse du Saint-Siège, dans la Providence, dans la sagesse, aussi, de l’Etat. Bismarck, de son côté, pour rétablir à Trêves la paix et la hiérarchie, étudiait un curieux projet : il chargeait Varnbüler,