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Avec ; le restant des trophées de Tolentino, notamment les groupes colossaux dits des Fleuves, ce convoi retardé comprenait la célèbre Vénus de Médicis, venue en la possession de la France par une suite assez compliquée d’événemens et de négociations.

En 1797, à l’approche des Français, le grand-duc Ferdinand de Toscane avait fait emballer en 74 caisses et déposer à Livourne les plus précieux objets des collections de Florence. Peut-être insoupçonné et en tout cas inviolé pendant l’occupation, ce dépôt avait été, à l’automne de 1800, transporté à Païenne par la Hotte anglaise, sous prétexte de mieux garantir les droits du propriétaire. Lorsqu’en 1801 la Toscane eut été attribuée, sur l’initiative du gouvernement consulaire, a Louis de Bourbon-Parme, avec le titre de roi d’Etrurie, notre envoyé à Naples, l’ancien conventionnel Alquier, eut mission de négocier la restitution à la cour de Florence des objets d’art naguère amenés en Sicile par les Anglais. C’est alors que l’idée fut mise en avant, peut-être par l’administration du Louvre, de prélever la Vénus pour le compte de la France, comme récompense des bons offices rendus en cette circonstance par noire diplomatie : « La Vénus de Médicis, » écrivait ingénument Foubert, « est une des statues antiques les plus renommées et les plus précieuses ; il serait glorieux pour la France d’en faire ainsi l’acquisition… » Et il suggérait qu’on pourrait en échange offrir des produits de nos manufactures, pour une valeur de 300 000 francs. Le roitelet d’Etrurie eût préféré, comme il l’écrivait piteusement au Premier Consul, « un agrandissement et un arrondissement plus régulier de mes Etats, » pour moins humilier l’amour-propre de ses nouveaux sujets. Bonaparte fut inflexible : sa convoitise était maintenant allumée, et son orgueil intéressé à placer la Vénus de Médicis à côté de l’Apollon du Belvédère ; d’autre part, son sens politique répugnait à un remaniement immédiat des territoires italiens. Par son ordre exprès, Clarke se montra exigeant à Florence, Alquier menaçant à Naples, et, le 7 septembre 1802, la Vénus fut embarquée à Palerme pour Marseille.

Les Toscans demeurèrent inconsolables. L’année suivante, un conservateur des Uffizi, désignant du doigt à un officier français le piédestal resté vide, osait lui dire : « Nous n’avons rien mis à sa place, parce que rien ne peut remplacer notre