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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/650

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gentilshommes en masque qui viennent la surprendre et elle n’a pas encore quitté ses habits masculins quand elle les reçoit. On se met à jouer, puis les visiteurs ôtent leurs masques. On fait collation et les momons vont faire carême prenant avec leurs femmes « comme c’est la coutume en France. » M. de Vibrac et les autres invités de Mme de la Guette se mettent à table. Quand on a desservi, « on danse aux chansons, » c’est-à-dire sur une chanson que chacun chante à son tour, et c’est la maîtresse de la maison qui chante la sienne la première. Ici se produit un coup de théâtre. Arrive le mari qu’on croyait en Flandre ou sur le Rhin et qui a fait plus de deux cents lieues pour venir. La bonne chère recommence, on régale le bienvenu de grillades, de capilotades, de vins exquis, on porte force santés. Quand les époux sont restés seuls, « que de caresses de part et d’autre ! » nous dit Mme de la Guette qui saisit l’occasion de faire à ce sujet une profession de foi : « Je ne biaise point ici, car une femme ne saurait trop aimer son mari… je ne fais pas beaucoup de cas de celles qui font les sucrées parce qu’elles sont très sujettes à caution… » Le mari, qui certainement a profité de cette façon de penser, se souvient qu’il est père, il va voir son enfant qui est en nourrice à une lieue de là. Sa femme lui en donnera dix, cinq garçons et cinq filles. Quand il partira pour la campagne de Catalogne en 1648, il emmènera l’un de ses fils âgé de neuf ou dix ans, en qualité de cornette. Chargé par le prince de Condé, peu de temps avant la bataille de Nordlingen, en 1645, de porter une dépêche, il trouvait le moyen de s’arrêter chez lui le temps de faire manger les chevaux de poste pour embrasser Catherine. Son apparition inattendue causa à celle-ci une telle émotion qu’elle fut, nous dit-elle, trois mois entiers sans pouvoir dormir. Attachement respectueux aux parens, bien qu’il n’aille pas jusqu’à sacrifier une inclination raisonnable à une autorité arbitraire, abandon chaste et pourtant sans réserve à l’époux que le cœur a choisi, maternité féconde et courageuse qui n’essaie pas de soustraire un fils aux dangers auxquels le père va l’associer, entrain et bonne humeur dans les relations sociales, n’y a-t-il pas là tout ce qu’il faut pour nous rendre sympathique Mme de la Guette et son ménage et avec lui tous ceux des gentilshommes campagnards qui ressemblaient au sien ?

De Mme de la Guette et de son intérieur on peut rapprocher