Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/660

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’impulsion qu’elle a donnée à leur fortune, comme le modèle des mères de son temps.

Que devenaient les rapports de la mère et des enfans quand la veuve, au lieu de perpétuer l’autorité et comme la personne du défunt, lui donnait un successeur ? Malgré les variations de la législation et de la jurisprudence, qui allait jusqu’à conserver à la veuve remariée la situation morale et pécuniaire que le mari défunt lui avait constituée, nous croyons pouvoir dire qu’en matière d’éducation le droit de la mère était si bien compris et si bien accepté que le convoi ne suffisait pas pour le lui faire perdre, il y fallait des circonstances graves, une suspicion légitime, il fallait qu’elle en mésusât, qu’elle s’en rendit indigne par son inconduite, par de mauvais traitemens. Il en était de même pour la tutelle, bien qu’à cet égard il n’y eût pas non plus uniformité. Ici, elle en était déchue de plein droit : là, elle ne lui était retirée que par le conseil de famille qui ne pouvait le faire que pour de sérieux motifs. En Bourgogne, la femme noble baillistre qui se remariait conservait le bail, et par analogie un arrêt du parlement de Dijon du 4 avril 1588 avait étendu cette disposition de la coutume à la tutelle roturière.

L’édit de juillet 1560, connu sous le nom d’édit des secondes noces, protégeait les enfans d’un premier lit contre les libéralités excessives que la femme aurait faites à leurs dépens à son nouveau mari. Elle ne pouvait disposer de ses meubles, de ses acquêts et de ses propres en faveur de celui-ci que dans la proportion d’une part d’enfant, si les parts étaient égales et, en cas d’inégalité, que jusqu’à concurrence de la part de l’enfant moins prenant.

On ne peut parler des rapports d’intérêt entre la mère et les enfans sans dire un mot des droits de celle-là sur la succession de ceux-ci. Dans la législation coutumière comme dans celle qui suivait la tradition romaine, la mère succédait à ses enfans concurremment avec les collatéraux les plus proches ou préférablement à eux. Mais la première de ces législations tenait compte, dans le règlement de cette succession, de la nature et de l’origine des biens, et appliquait le principe Propres ne remontent, qui était, sous une forme moins claire, celui qu’exprimait plus explicitement le brocard : Paterna paternis, materna maternis. Ces deux adages signifiaient que les biens dévolus au de cujus par succession ou donation ne pouvaient, dans la