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contraindre le Régent à revenir à la politique de Gustave III, à chasser Reuterholm, à rappeler les Gustaviens aux affaires et à rompre les négociations engagées avec la République française par le baron de Staël, à l’effet de nouer une alliance entre elle et la Suède. Pour que ce plan pût réussir, il fallait l’appui de la Russie. Armfeldt était disposé à le solliciter. Mais, afin de rendre efficace sa démarche, il voulait être muni d’une lettre de Gustave IV, le présentant à Catherine comme un homme en qui elle pouvait avoir confiance. Il avait rédigé lui-même cette lettre. En la communiquant à sa maîtresse, il la chargeait de la faire signer au jeune Roi. Quand cette lettre serait revêtue de la signature royale, elle devait être envoyée à l’Impératrice avec le plan de révolution et un écrit d’Armfeldt qui le compléterait. Pour accomplir cette mission, il avait jeté les yeux sur un jeune et brillant officier de l’armée suédoise, le colonel Aminoff, dont il connaissait les opinions et le dévouement.

Dans ces projets, tout n’était pas pour plaire à Madeleine. Ardemment patriote, elle redoutait pour son pays les suites de l’intervention moscovite. Mais, son amant ayant parlé, elle ne s’attarda pas à discuter ses dires et s’empressa de suivre ses instructions. Dès le 25 janvier 1793, elle lui mandait[1] :

« J’ai fait la proposition à Aminoff ; voici sa réponse : Il embrasse avec avidité ton plan ; mais il ne voit pas la possibilité de partir avant le commencement du mois d’août parce qu’il ne veut pas mettre sa femme entièrement dans sa confidence ; elle pourrait commettre une indiscrétion vis-à-vis de sa sœur qui est bavarde. Partir, sans prétexter une maladie, l’obligerait à une confidence vis-à-vis de son beau-père qui, surpris d’un départ aussi subit, voudrait en savoir l’objet, comme la source de l’argent. Au lieu qu’en allant d’abord aux manœuvres de son régiment, au mois de juin, fort tranquillement, il pourrait, au mois de juillet, demander au duc un congé d’une année pour aller en Poméranie chez son beau-père avec sa femme. Une fois-là, il en partirait bien vite pour Pyrmont dans le mois de décembre pour suivre après cela ponctuellement le plan que tu lui as tracé. Mais il dit que ses moyens le mettent dans l’impossibilité de faire les dépenses de ce voyage, à moins qu’il ne les prenne dans

  1. Les lettres de Mme de Rudenschold sont écrites en français, comme d’ailleurs celles d’Armfeldt. On peut s’en expliquer ainsi les incorrections, puisqu’elle était Suédoise. Elle dit cependant quelque part qu’elle parle et écrit fort mal le suédois.