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été refusés : c’est qu’il s’appliquait, officiellement et extérieurement, à respecter les traditions les plus invétérées. Du moment que, sous la république, les femmes avaient été éliminées des assemblées et des magistratures, les empereurs, même les plus audacieux, auraient cru faire scandale en leur en ouvrant la porte. On nous dit bien qu’Héliogabale institua un « petit sénat » de matrones, senaculum : mais cette institution, qui d’ailleurs ne devait pas survivre à son fondateur, n’avait aucun caractère politique ; les sénatus-consultes féminins ne tranchèrent que des questions de costume, d’équipage ou de préséance mondaine. On nous dit aussi que la femme et la sœur d’Auguste reçurent l’inviolabilité tribunitienne, qu’Agrippine eut, comme les magistrats, des licteurs et des faisceaux, que certaines impératrices furent appelées « mères des légions » ou « mères du peuple : » mais quelle répercussion ces honneurs, réservés aux princesses de la famille régnante, pouvaient-ils avoir sur le sort des autres femmes ? Enfin, nous savons par les inscriptions que, dans quelques endroits, les femmes ont exercé des magistratures municipales : on trouve en Afrique une femme duumvir, dans les Baléares une autre, « qui a rempli toutes les charges officielles de l’ile ; » mais ce sont des exceptions tout à fait rares. A prendre les choses dans l’ensemble, on peut assurer que sous l’empire aussi bien que sous la république, et dans les provinces aussi bien qu’à Rome, les femmes n’ont jamais possédé de droits politiques.

Mais cela ne veut pas dire qu’elles n’aient pas eu une influence politique, plus grande en certains cas que celle de bien des gens investis des plus hautes magistratures. Ici encore, la légende, qui place une Tanaquil auprès d’un Tarquin, auprès d’un Coriolan une Véturie, peut être interprétée comme un symbole de l’action occulte, mais puissante, que les Romains de l’époque républicaine voyaient exercer par les femmes sur les chefs de l’Etat. Le nom d’une femme, Cornélie, est inséparable du souvenir des premières réformes démocratiques tentées par les Gracques. Une femme, Cærellia, est la confidente des projets et des ennuis de Cicéron. Une autre, Sempronia, est la complice de Catilina. Plusieurs femmes, entre autres la mère et la sœur de Brutus, sont initiées aux desseins de César, dont elles servent l’ambition avec un zèle où se mêlent le dévouement et l’intérêt personnel. Il n’y a presque pas d’événement, à la fin de la