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Le Roi pensait de même à l’égard du ministre de Suède et le général Acton, lorsqu’il se l’ut assuré que le nouveau venu ne serait pas, auprès de la Reine, un rival pour lui, ne lui marchanda ni sa bonne grâce, ni ses services.

D’autre part, quelques-unes des grandes dames étrangères, qui se trouvaient alors à Naples, ne dissimulaient pas l’estime en laquelle elles tenaient Armfeldt et la tendre admiration qu’il leur avait inspirée. La princesse Mentschikoff, fidèle à sa promesse, était venue passer l’hiver auprès de lui. Ils habitaient le même palais, elle, au rez-de-chaussée avec sa famille, lui, à l’étage au-dessus avec sa femme accourue à Naples à son premier appel. Un petit escalier mettait en communication les deux appartemens. La grande dame moscovite n’était pas la seule qui attirât les hommages d’Armfeldt. Lady Hatton était arrivée de Florence, amenant avec elle sa sœur, lady Elisabeth Monck, amie intime de la Reine.

A signaler encore, dans ce galant escadron, la comtesse Skavronska, femme du ministre de Russie ta Naples. Née Catherine Engelhart, elle était la nièce du fameux Potemkine. Comme ses deux sœurs, Alexandra et Barbara, elle avait été sa maîtresse. Quoiqu’elle eût dépassé la trentaine, elle conservait les attraits de sa première jeunesse. Devenue veuve depuis peu, elle se laissait courtiser en attendant de se remarier. Un peu plus tard, elle devait épouser le comte Litta auprès duquel elle vécut jusqu’à sa mort, en femme revenue de ses anciens égaremens. De ce second mariage, elle eut deux filles : l’une d’elles épousa le comte Pahlen, et l’autre a fait beaucoup parler d’elle sous le nom de son mari, le général prince Bagration, tué en 1812 à la bataille de Borodino.

Il est assez difficile de préciser quel fut le rôle d’Armfeldt dans la société de ces grandes charmeuses. S’il faut en croire la légende, il aurait été aimé de toutes, mais les preuves sur lesquelles elle s’appuie sont aussi rares que fragiles. Il n’y a de certitude que pour la princesse Mentschikoff. Ce qui n’est toutefois pas moins vrai, c’est que lorsque, un peu plus tard, il dut s’enfuir de Naples, ces adoratrices s’unirent à la reine Caroline pour favoriser sa fuite. Lady Monck lui écrivait : « L’amour et l’amitié veillent sur vous. »

On peut conclure de ces détails qu’à cette époque, Madeleine de Rudenschold n’était pas moins oubliée comme maîtresse, que