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depuis longtemps à l’heure où on en faisait la hase d’une accusation criminelle. Son projet n’existait que sur le papier. L’impératrice Catherine n’en avait jamais entendu parler et c’est avec raison que, le 10 avril 1795, elle écrivait à Grimm en lui parlant de cette prétendue révolution en Suède : « Si j’avais voulu m’en mêler et qu’elle eût réellement existé, je vous promets qu’elle aurait réussi. »

Ces considérations ne pouvaient échapper au Régent et à son ministre. Mais Reuterholm s’acharnait à la perte d’Armfeldt et de ses amis. La faiblesse du Régent comme aussi sa rancune d’amoureux évincé lui laissaient le champ libre. Dans tout ce qui va se passer maintenant, il faut voir sa main ; il est le chef de cette odieuse entreprise ; il conduit, dirige, ordonne, impose, sa volonté aux juges et bientôt leur dictera la sentence.


III

La procédure contre le baron d’Armfeldt et ses prétendus complices s’engagea officiellement dans la seconde quinzaine d’avril 1794, devant la cour criminelle de Stockholm. Elle avait été précédée de la réunion au palais royal d’un Conseil de gouvernement présidé par le duc régent et auquel assistaient le Roi mineur et son oncle le duc d’Ostrogothie. Dans cette séance, il fut donné lecture des documens envoyés par Piranesi, sur lesquels se fondait l’accusation, et la responsabilité de chacun des accusés fut nettement établie. Par ordre du Roi, que représentait le Régent, furent envoyés devant la cour pour y répondre de leurs actes : Armfeldt, principal accusé, le major Ehrenstrom, le restaurateur Forster, Mineur, l’ancien valet de chambre du baron, devenu le régisseur de ses biens, et enfin Mlle de Rudenschold, tous considérés comme ayant participé au complot dont il était l’auteur. En ce qui le concernait, l’accusation lui imputait le crime d’avoir voulu faire intervenir une puissance étrangère pour renverser le gouvernement légal du pays et priver sa patrie de son indépendance et de sa liberté.

Une phrase du procès-verbal de la séance royale, lequel fut rendu public, ayant paru mettre en cause l’impératrice Catherine, elle écrivit ultérieurement au Régent pour se plaindre « l’avoir été désignée. Le Régent protesta et déclara dans sa réponse qu’ayant évité île nommer la souveraine, il ne croyait