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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/87

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GIOVANNI PASCOLI

Lorsqu’en 1906 Carducci, déjà penché vers la tombe, voulut quitter cette chaire de l’Université de Bologne où, pendant près d’un demi-siècle, il avait enseigné la littérature italienne, il fallut trouver qui lui succédât. Choix difficile : c’était son poète lauréat que l’Italie devait ainsi désigner, son poète national ; le plus capable de porter sans faiblir ce lourd fardeau de gloire. La tâche fut confiée à Giovanni Pascoli.

Le poète Giovanni Pasoli vient de mourir.


I

Il naquit en pleine nature : dans l’immense propriété des Torlonia, dont son père était l’intendant ; entre San Mauro et Savignano, humbles communes de la Romagne. Il fut le petit paysan qui va sifflant sur tous les chemins, qui suit les domestiques dans l’écurie et dans l’étable, qui marche à côté des voitures lourdes de blé, les soirs de moisson. L’air des champs, qui baigna son corps, imprégna son âme ; et cette première influence fut si forte qu’elle devait pénétrer tout son art comme toute sa vie. Quand vint l’Age de l’école, et qu’on le mit au collège d’Urbino, le pensionnaire mélancolique regardait par les fenêtres la route sinueuse qui descendait la colline, et qui le reconduirait, pour les vacances, au village où son âme d’enfant demeurait. C’étaient des courses folles à travers les prairies, pendant les promenades ; ou des contemplations subites qui le tenaient en arrêt : si bien qu’un jour, on le chercha vainement parmi ses camarades ; il s’était oublié à regarder le coucher du