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aux églises chrétiennes les inscriptions en caractères coufiques qui encadraient parfois les étoffes musulmanes. In des plus curieux spécimens de ces monumens fait partie du musée byzantin d’Athènes. Il représente deux lions affrontés, la tête renversée, la langue pendante, les grilles posées symétriquement sur le tronc et les feuilles du « hom » ou arbre sacré. On peut reconnaître facilement dans les tresses et les lignes striées qui représentent la racine de l’arbre ou la crinière des lions, les différens points de broderie appartenant au modèle ; une inscription en coufique fleuri court sur les montans ; d’après la forme de ses caractères, l’étoffe ainsi copiée pourrait remonter au début du XIe siècle[1]. Cette « sculpture-broderie, » comme on peut l’appeler, est évidemment la négation même des principes qui régissent les arts plastiques ; elle témoigne de l’importance prise dans l’art byzantin après la querelle des iconoclastes par les élémens orientaux.

Il en est de même des monumens de la troisième catégorie : la technique dont ils relèvent est familière à l’art arabe et peut être désignée par l’expression de « sculpture champlevée. » Elle est bien l’aboutissement logique de la tendance qui poussait les artistes à renoncer au modelage et à lui substituer, pour obtenir des effets de relief, le contraste entre l’éclairage des motifs et les ombres du fond. Sur les corniches et sur certains chapiteaux de Saint-Marc de Venise, des églises de Daphni et de Saint-Luc en Phocide les contours des motifs, feuilles, palmettes, animaux, sont réservés sur un fond qui, d’abord légèrement creusé, est rempli d’un mastic sombre sur lequel les sujets s’enlèvent en clair. C’est la technique des émaux champlevés, rhénans ou limousins. C’est à peine si l’on peut considérer comme de la sculpture un procédé qui ne laisse plus la moindre place au modelage et ne représente guère que la silhouette des objets. Or c’est après la querelle des images qu’on trouve cette pratique implantée dans l’art byzantin où elle est encore en usage au XVe siècle, comme en témoignent les spécimens si nombreux trouvés a Mistra[2].

Tel est dans ses grandes lignes le développement de la sculpture byzantine : on voit que les procédés inspirés des techniques orientales n’y laissent plus aucune place à la

  1. Voyez nos Études de sculpture byzantine, Paris, 1911, p. 38.
  2. G. Millet, Monumens byzantins de Mistra, Paris, 1910.