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dos s’ouvre en général la porte de la petite armoire aux reliques.

La tête droite et les deux bras jetés en avant, elles soutiennent de leurs mains trop longues l’Enfant Jésus qui est assis bien au milieu entre les deux genoux. C’est en vain que dans ce Christ de majesté, couvert de draperies antiques, bénissant les hommes d’une main et portant de l’autre le livre des Evangiles, on chercherait le moindre caractère enfantin. Il est trop visible que la gravité et la rigidité même de cette attitude n’ont rien à voir avec l’émotion touchante qu’éveillent les gestes maternels de certaines madones. Le type de la Vierge de majesté est une conception enfantée par le cerveau d’un théologien. Marie y est considérée, non comme la jeune mère qui veille sur son enfant, mais comme le trône de Dieu, le siège de la sagesse divine, expressions qui reviennent si souvent dans le langage mystique de tous les temps. « Ses mains, dit saint Jean Damascène dans une homélie, ses mains porteront l’Eternel, et ses genoux seront un trône plus sublime que les chérubins[1]. » Il semble que la statue de la Vierge de majesté ne soit que la réalisation concrète de cette figure.

Cette conception porte bien la marque de l’époque du grand développement théologique qui suivit le Concile d’Ephèse où fut proclamée en 431 la maternité divine de Marie. C’est à partir du Ve siècle en effet que le type de la Vierge de majesté devient banal dans l’art chrétien. C’est celui des madones qui figurent dans la scène de l’Adoration des Mages, ou entourées de donateurs, comme sur une fresque du cimetière de Domitilla, sur le bas-relief de la basilique de Damous-el-Karita à Carthage, sur des briques estampées trouvées au même endroit, sur l’ambon de Salonique au musée de Constantinople, sur plusieurs sarcophages romains, sur les mosaïques de Saint-Apollinaire le Neuf de Ravenne ou de Parenzo en Istrie, sur la fresque de la basilique du cimetière de Commodilla. Ces monumens s’échelonnent entre le IVe et le VIe siècle ; on y trouve des formes variées de sièges, depuis le fauteuil de vannerie à haut dossier jusqu’au trône impérial garni de riches coussins, avec des montans tout constellés de pierreries. Mais ce qui est invariable, c’est l’attitude rigide, rituelle pour ainsi dire, de la Mère et de l’Enfant. Ce groupe de madones se distingue essentiellement

  1. Patrologie grecque, t, 96, 676.