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chaire d’où sa parole va planer ; partageons l’émotion qu’il éprouve à interpréter le texte vénéré ; et lorsque, le commentaire fini, l’auditoire se lève pour écouler pieusement la lecture du chant tout entier, rendons justice alors à son amour pour Dante.

Il remonta plus avant dans le passé : jusqu’à Rome. Toute matière ; lui était bonne à mettre en vers latins ; il accomplissait, en traitant les sujets les plus paradoxaux, les innocentes prouesses qui remplissaient d’admiration le cœur des lettrés d’autrefois. Le jeu savant des dactyles et des spondées qu’on enchâsse en façon de mosaïque lui servait de délassement, car il prenait plaisir, en bon ouvrier d’art, à travailler cette matière solide comme la pierre et résistante comme elle. Il savait bien qu’il ne mériterait fias ainsi les suffrages de la foule : mais il entrerait en communication avec de rares esprits disséminés de par le monde : et cette satisfaction ne le trouvait pas insensible. Périodiquement, on apprenait en Italie que l’Académie néerlandaise avait décerné ; son prix annuel à un poème de Pascoli : Vejanus, Castanea, Reditus Augusti, et tant d’autres : c’était presque une habitude. Les esprits les moins touchés par le charme des vers latins étaient forcés de convenir qu’à tout prendre, le passe-temps était inoffensif ; ceux que les souvenirs classiques émeuvent encore applaudissaient. Sa dernière production en ce genre fut l’Hymnus in Taurinos, après l’Hymnus in Romam, composé pour célébrer l’anniversaire de l’unité italienne : on y trouvera une forte saveur de belle latinité :


Aeteraum spiras, aeternum, Roma, viges. Tu
Post multas caedes, post longa oblivia rerum
Et casus tantos surgentesque undique flammas,
Tu supra cineres formidatasque ruinas
Altior existens omni de morte triumphas


Il remonta jusqu’à l’antiquité hellénique : et voyant revivre dans ses traductions les héros et les dieux, il conçut le désir de les chanter. Plusieurs de ses sujets furent pris dans l’Iliade et l’Odyssée ; celui-ci dans Hésiode : celui-là dans Bacchylide, et tel autre encore dans Platon : les histoires furent celles des aèdes chantant à latin des banquets : comment Anticlée, enferme dans le cheval de Troie, en serait sorti à la voix d’Hélène, et aurait rendu vaine la ruse des Grecs, si le prudent Ulysse ne