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encore une sottise. Ah ! l’animal, il s’y entend à compliquer l’existence, sous prétexte qu’il ne faut pas se faire de bile… Bourin le demande. Quelque famille qui a à se plaindre de notre cher jeune homme… Un beau jour, on nous le rapportera avec une balle dans la tête…

— Oh ! papa, peux-tu dire des choses pareilles !… Tu n’as pas de cœur !

Et, sur ce beau mot, Rolande sortit. Elle brûlait d’aller au-devant de son frère, de connaître l’avenir. Elle aurait voulu pouvoir accompagner Maxime, combattre à son côté. Elle était dans un jour « Bernstein, » comme elle disait. Elle attendit une grande heure dans le jardin, l’oreille aux aguets, les yeux plongés dans la nuit, toute noire.

Enfin, Maxime parut. Son allure n’était point celle d’un vainqueur.

— Eh bien ? lui lança de loin Rolande.

Maxime hâta le pas, puis à mi-voix :

— Eh bien !… j’épouse.

— Tu épouses ? qui ? quoi ? voyons, explique-toi.

— J’épouse Marthe Bourin.

Rolande partit d’un éclat de rire nerveux.

— J’aurais voulu te voir à ma place, expliqua Maxime en colère. C’est un terrible homme que ce Bourin. Il m’a fait peur, je l’avoue. En voilà un qui ne transige pas sur les affaires d’honneur. Toute la conversation a eu lieu debout, dans son cabinet. Il a la tête de plus que moi et de grandes mains sèches. Si j’avais fait le moindre mouvement pour me dérober, j’ai eu le sentiment très net qu’il m’étranglait.

— Tu auras un beau-père agréable.

— Il aura son bon côté. Pour le dégoûter de moi, je lui ai avoué mes dettes. Il les payera ! Mes défauts. Il m’en corrigera,… à ce qu’il prétend. Il va me faire entrer dans une étude à La Châtre et il l’achètera pour moi… dans quelques années…

— Est-ce que c’est lui qui te couchera ?

— Oui, sur son testament… Et puis, tu sais, en mon honneur, il double la dot.

— Le pauvre homme ! tu vas lui coûter cher… mais ce que fille veut… C’est bien ce que je pensais. Cette petite pensionnaire est une rouée… Elle t’a gentiment pris dans son filet à papillon…

— Mais non, Marthe n’a eu qu’à avouer sous l’empire de