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Chercher Dieu, a dit Pascal c’est déjà l’avoir trouvé ; on pourrait dire aussi et symétriquement : vouloir prouver la religion c’est déjà l’avoir perdue. A mesure qu’avance la physique de l’Univers, la métaphysique doit, si elle ne veut disparaître, lui céder les terrains concrets qu’elle occupait indûment. Aussi peut-on entrevoir le temps où les religions auront élagué d’elles-mêmes tout ce qui n’est pas hors des atteintes de l’expérimentation. C’est la tendance qu’on peut deviner dans le livre si sincère et si émouvant que, peu avant sa mort, Albert de Lapparent a intitulé Science et Apologétique.

Ce jour-là, la conciliation sera possible chez tous les hommes qui ne peuvent se passer de croyances métaphysiques, entre l’esprit positif et l’esprit religieux, — jusqu’ici elle n’était qu’illusoire car ce n’est point concilier deux choses que de les séparer par une cloison étanche.

La science nous montre en effet que l’Univers est un tout ordonné, cohérent, harmonieux ; et c’est par là plus encore que par ses dimensions qu’il est grandiose ; c’est par là qu’il est mystérieux et divin. La science qui nous le montre tel, si beau et si « un, » organisé comme une vaste et muette symphonie, dominé par la loi et non par le caprice, par des règles inflexibles, et non par des volontés particulières est, à sa manière, une Révélation.

Ces réflexions ne nous éloignent pas autant qu’il semble de Poincaré. Il a magnifié souvent, avec des accens enthousiastes et presque mystiques l’ « harmonie interne du monde ; » il nous a montré la science manifestant cette harmonie par les lois dont l’astronomie surtout a décelé l’existence et l’universalité.


VI. — CONCLUSION


Grand inventeur, grand philosophe, Poincaré fut aussi un grand écrivain. Ne fût-ce qu’au point de vue littéraire, il mériterait une longue étude. Sa langue était nerveuse, pittoresque, d’une concision et d’une clarté bien françaises. Il ne dédaignait pas d’enrober quelque pensée profonde et abstraite dans les fanfreluches d’une jolie phrase, et par là il se rattache aux encyclopédistes qui, comme d’Alembert, pensaient qu’une précieuse liqueur l’est plus encore lorsqu’elle est servie dans un vase artistement ciselé.