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anciens et celles des maîtres modernes, les broderies, les bibelots ; il accordait une attention spéciale au parc qui entoure le palais, y voulait de beaux arbres et des fleurs rares. L’Impératrice et lui aimaient à fixer leurs sentimens ou leurs impressions dans des haikai, ces petites strophes de dix-sept syllabes qui sont au Japon le régal des délicats. Mutsuhito, qui ne partageait pas les préjugés des samurai, veillait ainsi à ses intérêts matériels. Comme ses ancêtres avaient toujours souffert de la gêne où les tenait le shogun, gêne qui les empêchait de secourir même médiocrement un serviteur dans le besoin, il désirait s’assurer une fortune qui lui permit de faire largement ses devoirs de prince en dehors de tout contrôle du Parlement. Dans le partage des terres confisquées aux anciens clans, il avait reçu deux millions d’hectares, en grande partie incultes, dont il exploita les forêts et les mines. De plus, l’État, qui avait créé les principales entreprises : banques, chemins de fer, lignes de navigation, possédait un grand nombre d’actions des sociétés fondées pour les conduire ; les sociétés se plaignant de l’ingérence constante des fonctionnaires, Mutsuhito accepta que ces actions fussent attribuées à la maison impériale. Grâce au développement qu’ont pris les premières entreprises et celles auxquelles il s’est intéressé depuis, il a pu laisser une fortune d’un milliard de francs, sans compter la liste civile, qui est de dix millions.

L’empereur avait donc les qualités requises pour diriger l’œuvre de reconstruction, qui exigeait, avec le sens de la tradition, une connaissance nette de tous les besoins du présent ; mais cette œuvre, il en devait confier l’exécution à des collaborateurs intelligens, énergiques et pénétrés de la civilisation de l’Occident ; ses premiers conseillers ayant disparu, il s’entoura de ces hommes qui, encore jeunes alors, figureront cependant dans l’histoire sous le nom qu’on leur donna plus tard d’anciens, de genro. Ils n’avaient pas pris part aux révoltes et aux luttes qui avaient précédé le coup d’État de janvier 1868 ; dans les premiers temps du nouveau régime leur influence avait été médiocre et, quoique depuis plusieurs années déjà, ils eussent des ministères, ce fut seulement après la disparition de leurs grands ainés qu’ils osèrent ambitionner le premier rang. La rivalité de Saigo et d’Okubo avait fait perdre à Satsuma son ancienne prépondérance ; ses chefs Kuroda, Saigo, Malsukala,