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Cet esprit d’abstraction désintéressée, ce zèle de propagande, cette faculté de généralisation et d’universalisation, ce dévouement à l’Idée, en un mot, qui anime si souvent la race, c’est ce qui soutient, en somme, l’action française la plus efficace qui s’exerce encore, actuellement, sur le continent américain. Si l’Amérique du Nord (Etats-Unis et Canada) continuent à recevoir une certaine empreinte française, ce n’est ni par le commerce, ni par l’industrie, ni par la science ou la technique, à peine par la littérature, le théâtre et l’art : c’est, surtout, par la propagande religieuse, la propagande catholique dont les prêtres français furent, au Nord et au Sud des Lacs, les premiers initiateurs et sont encore, même aujourd’hui, les dévoués collaborateurs.

Le développement du catholicisme dans l’Amérique du Nord est un phénomène d’une importance historique magistrale. Je n’entreprends pas d’en exposer le tableau et d’en déterminer les causes. C’est un fait, cependant, qu’il trouve ses origines et ses principaux appuis, du moins au début, dans le Canada français.

L’histoire du Canada, c’est, en trois mots, l’exploration, la lutte, l’évangélisation. La politique n’y a guère commis que des fautes. La grande pensée de Champlain, celle qui consistait à réunir la baie d’Hudson à la mer des Antilles par une domination intérieure ayant pour champ d’action la vallée du Mississipi, parut se réaliser, comme on sait, au moment où Cavelier de La Salle inaugura la navigation des Grands Lacs, descendit le cours du Mississipi et fonda la Louisiane (1682). On sait aussi que ces belles explorations stimulèrent le zèle des Jésuites, qui envoyèrent, dans l’Ouest, les premiers explorateurs du Missouri, du Mississipi septentrional, de l’Arkansas, de l’Illinois : Jolliet, le Père Marquette.

Ce que l’on sait moins, c’est que les récollets, associés à l’œuvre de Cavelier de La Salle, fondèrent, au point de vue religieux, une œuvre durable. Le 27 février 1680, le Père Hennepin partit du fort Crèvecœur, descendit l’Illinois jusqu’au Mississipi septentrional et atteignit l’emplacement actuel de Saint-Paul. Le Père Hennepin découvrit aussi, sur le grand fleuve, les chutes qu’il baptisa : « chutes Saint-Antoine. »

L’œuvre se perpétue pendant toute la durée de la domination française au Canada, par l’envoi de missionnaires et l’existence