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VISITES AUX VILLES D’ART SEPTENTRIONALES


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LA PEINTURE À BRUGES



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L’extérieur des retables flamands relève presque toujours d’une esthétique sculpturale. L’oraison finie, l’œuvre se faisait en quelque sorte de pierre. Point de luxe inutile ; des figures en grisaille d’une plasticité toute décorative. Fermé, le « taveliau » s’incorporait au cadre d’architecture. La prière seule dévoilait les trésors cachés sous les volets. Ouvrait-on ceux-ci, les scènes pieuses s’offraient dans cette harmonie de tons purs qui fut le secret des Flamands du xve siècle ; et l’esprit du fidèle s’abimait dans un flot de lumières colorées et de grâces irradiantes. Telle était la vertu de cette peinture mystique.

Bruges est un retable de pierre qu’il faut contempler au soir tombant. A l’extrémité du Lac d’Amour, une grosse tour séculaire garde un pont qu’on dirait hors d’usage. Ne craignons pas de nous y engager et retournons-nous vers la ville. La flèche de Notre-Dame, comme suspendue sur les arbres et les toits, se réfléchit dans le visage immuable de l’étang. Divin prestige de l’illusion ! Parce qu’un paysage doux et harmonieux résume la beauté de la cité, nous croyons mieux connaître les œuvres de génie éparpillées dans les églises et les musées ! Et si la brise nocturne promène quelques rides sur le Minnewater, jadis bassin maritime, notre perception d’autrefois s’aiguise et s’affine. Bruges n’est-elle pas fille de la mer ? A quelle cause la peinture