mais attentive, et les yeux vers nous au moindre mouvement, saute à terre, court au berceau, s’assied sur un des bords d’osier, appuie sur l’autre sa main droite, et, prenant de l’élan, se balance en mesure, et rendort le nourrisson.
Le père est d’origine écossaise. De la ferme des Coteaux à Saint-Joachim la distance est longue déjà. Je sais que, même dans le plus rude de l’hiver, quand il fait quinze ou vingt degrés de froid, les « habitans » ne manquent pas la messe du dimanche. « C’est du brave monde, » comme l’a dit l’un d’eux. Plusieurs font deux ou trois lieues pour se rendre au village. Mais les enfans, comment vont-ils à l’école ? Ceux des Coteaux ? Le père répond :
— N’y a-t-il pas les traîneaux à chiens ? Le mien est grand : ils se fourrent cinq dedans. Et youp ! youp !
Je vois en esprit, sur la neige fraîche encore, le chien qui tourne brusquement, et les écoliers qui roulent, poudrés comme des moineaux. Le soleil baisse. Il faut repartir. Un jeune homme, à la barrière du premier champ, nous regarde, debout près d’une paire de bœufs de labour. Il reconnaît en nous la nation.
— Voyez, dit-il, nos bœufs sont enjugués à la française !
En effet, tandis que, bien souvent, les bœufs ont un harnachement, collier ou bricole, ici, je retrouve le joug en bois d’érable et la courroie de cuir qui le lie aux quatre cornes.
Les campagnes, Montmagny. — Nous sommes quatre qui partons pour Montmagny, deux Français et deux Canadiens-Français : Etienne Lamy, un sénateur, un médecin et moi. Le village étant situé sur la rive droite, il faut d’abord traverser le Saint-Laurent, de Québec à Lévis. Puis nous prenons un train, qui longe la côte. Les paroisses ont des noms qui, pour nous, sont plaisans : Saint-Vallier, Berthier, Saint-François. Un lac, le lac Beaumont, fait une longue clairière dans une forêt pauvre, lande plutôt, où abonde la myrtille. Puis la terre ameublie succède aux étendues sauvages. Nous voyons nettement, car alors les arbres sont rares, les lignes successives d’habitations rurales et le dessin des propriétés. Celles-ci ont toutes la même largeur de cinq cents mètres, et la même longueur d’un kilomètre. A l’époque lointaine des concessions de terrains, les arpenteurs ont commencé à mesurer et borner les lots en partant du fleuve et remon-