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REVUE MUSICALE

MASSENET

Dans notre musique française, où le charme n’est pas aujourd’hui ce qui surabonde, un charme vient de s’évanouir par la mort du plus tendre et du plus sensuel, du plus chérissant et du plus caressant de nos musiciens. Massenet ! Un joli nom ! Presque aussi joli que celui de Paladilhe, un musicien aussi. Gardons-nous de rappeler son prénom, qu’il avait en horreur. Massenet ! Cela sonne, cela tinte clair, un peu comme un coup léger, très léger, de cymbales d’argent.


Le charme de Massenet fut, avant tout, plus que tout, mélodique. Il le fut presque exclusivement. C’est par des mélodies, — qui d’ailleurs n’étaient pas toujours vocales, — que Massenet, pendant quarante années, a séduit les oreilles et les cœurs, ou les sens. Le musicien de Marie-Magdeleine et de Manon, d’Esclarmonde et de Thaïs, du Cid et de Werther, est peut-être l’un de nos derniers musiciens dont la musique se reconnaisse, tout de suite, à l’existence d’abord, puis aux caractères (qualités et défauts), d’une ligne unique, d’une suite et non d’une combinaison de sons. Dans les autres ordres, sur les autres élémens de la musique, on chercherait en vain la marque de Massenet. Parmi les principes, ou les procédés, anciens, je n’en vois pas qu’il ait abandonnés ; je ne saurais citer, parmi les nouveaux, ceux qu’il a découverts ou suivis. Sans doute, à compter du Roi de Lahore, son premier ouvrage, Massenet a renoncé, comme tout le monde, à la division du drame lyrique en morceaux nettement séparés, pour fondre chaque