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dispensèrent de cette règle ne se servaient guère de carrosses que la nuit. Encore se cachaient-ils et fuyaient-ils la rencontre du Roi, sachant que cela lui était désagréable.

À côté des nouveaux véhicules, qui se multiplièrent rapidement sous Louis XIII, parurent les chaises à porteurs (1617) : « établissement qui pourra causer un retranchement de l’usage immodéré des carrosses, » disaient les lettres de concession. Ce n’était pas un mode de transport économique : les porteurs qui payaient une redevance de 25 francs par semaine, par chaque chaise de louage, au détenteur du monopole, — un capitaine des mousquetaires, — rançonnaient à leur tour le public sans que d’ailleurs on puisse prendre au sérieux ce que dit Furetière qu’ils demandent un écu, — 11 francs de notre monnaie, — pour aller de Notre-Dame à la place Maubert. Les vinaigrettes, chaises à deux roues, traînées par un homme et poussées par une femme et un enfant, étaient moins onéreuses mais peu prisées. Ce ne fut qu’après l’institution des « carrosses de place » (1660) que l’honnête homme sans équipage put se faire transporter décemment d’un quartier à l’autre sans trop de frais.

La chaise à porteurs privée, qui coulait depuis 1 400 francs jusqu’à 150, suivant qu’elle était mi-partie d’écaille, dorée, tapissée de brocart et de velours, ou grossièrement peinte et doublée d’étoffe commune, devint impraticable à Paris dès que la circulation y fut plus active. Elle ne sortait pas au XVIIIe siècle des quartiers paisibles et déserts. En province, les douairières se faisaient ainsi conduire à la messe et les magistrats au palais, — pour 1 250 francs par an on avait à Aix, en 1750, deux porteurs non nourris, — c’était presque le seul véhicule des villes moyennes. Nice, par exemple, vers 1765, possédait en tout deux voitures en dehors de celle du gouverneur ; mais des chaises à porteurs y menaient les étrangers à la mer prendre leur bain, moyennant 3 fr. 50 aller et retour.

Dans la capitale et pour les voyages, à la fin de l’ancien régime, l’invention des types de voitures semblait inépuisable ; il en surgissait sans cesse de nouveaux. Le « carrosse, » inséparable à nos yeux de cinq ou six générations d’hommes à perruques plus ou moins poudrées, était, au contraire, complètement démodé dès un demi-siècle avant la Révolution. Au modèle primitif avec caisse fixée aux essieux on avait, sous Louis XIV, substitué un train avant à col de cygne, muni de roues très