Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/200

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES POÉSIES DE M. FRANÇOIS MAURIAC[1]

Je suis en retard avec un jeune poète très distingué, qui me semble avoir l’étoile d’un grand poète, qui très probablement avortera ; car il me semble profondément atteint de cette lassitude avant la vie et de cette « fatigue de n’avoir rien fait, » comme dit le bon peuple, gage presque certain de langueur incurable ; mais qui aussi peut se ressaisir, se rendre maître des qualités incomparables que le destin a mises en lui et nous donner un poète tout à fait dans le goût de Lamartine.

Car les deux muses de Lamartine jeune furent la Religion et sa propre enfance et les deux inspirations de M. François Mauriac sont la nostalgie de l’enfance et le sentiment religieux. Ajoutez-y, çà et là, très rarement, un peu de passion amoureuse, très triste et très amère, à la manière de Volupté de Sainte-Beuve, et vous avez, ou je me trompe fort, toute l’âme de M. François Mauriac.

Elle est très belle, très délicate, très pure, un peu féminine ; elle est délicieusement adolescente. Le duvet de la pêche est là tout entier, sans que rien l’ait flétri, ni même touché. C’est un cas extrêmement rare et charmant tout à fait.

Ce qui domine, c’est encore ce regret de l’enfance envolée qui, chez Lamartine, chez Hégésippe Moreau, chez M. Fernand Gregh, ont si vivement ému les lecteurs de trois générations différentes. Les jeunes gens se divisent très nettement en deux classes, ceux qui s’évadent de l’enfance avec enivrement, ce que,

  1. Les Mains jointes. — Adieu à l’adolescence.