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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/232

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D’ailleurs, on est emporté par le mouvement, non du récit (lequel ne va pas vite), mais par celui de l’innombrable et, souvent, inutile détail. C’est un mouvement de foule ; et de foule encombrée, qui n’avance guère et qui ne cesse d’être agitée.

De cet encombrement se dégage on ne sait comment, — et, peut-être, comme d’une symphonie bruyante, excessive, un doux air de flûte, — l’histoire d’une petite fille attendrissante, Gina Laura, qui devint une fille ; Gina Laura, la danseuse, embellie d’une sorte d’innocence ; Gina Laura que protège, pare et consacre comme un insigne de piété le double souvenir de sa mère (« Et toi, Fanny, par delà les coteaux… ») et de son père, un vieux dit Papa Praline, joueur de harpe et colporteur de la musiquette qui fait, dans les villages, rêver les pauvres gens.

Sur la petite Gina Laura pèse une fatalité. Elle se démène ; et l’immobile fatalité la tuera.

L’histoire abominable et jolie de Gina Laura, M. Franz Toussaint l’a contée avec délicatesse. Il a mis autour d’elle toute la turpitude bariolée de la fête foraine et de la vie galante : elle émerge de là comme, de la fange, une fleur.

Cette petite héroïne tarée ; d’une aventure infâme a quelque chose de virginal. Et, cette petite âme, le romancier l’a peinte (comme l’aima le seul qui l’ait aimée vraiment) en un instant et sans presque la toucher. Quelle dextérité, dans cet art qui peint follement des affiches voyantes et discrètement une petite âme !…

Je ne puis parler de ce livre avec assurance. Sa nouveauté me déconcerte. Je ne sais pas ce qu’il deviendra. Je ne sais pas comment il vieillira. Il faudra le revoir plus tard ; et nous saurons si les couleurs en étaient bonnes.

Pour remplacer l’ancien réalisme, voilà plusieurs tentatives, des essais brillans, des études : non le type d’un roman nouveau. Que font ces novateurs, de l’anecdote ? On dirait qu’ils n’ont pas besoin d’elle et qu’ils la conservent, timidement, par habitude ? L’anecdote est là comme un reste ; elle est très peu de chose : elle se perd dans les fragmens de la réalité.

Ces romans nouveaux ne sont pas des romans. Peu importe. Mais que sont-ils ? Les ruines charmantes d’un monument suranné. Le monument qu’on bâtira, qui le devine ?…


ANDRE BEAUNIER.