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finances serait-elle possible sans celle de l’administration, des perceptions, etc., et celle de la gendarmerie sans celle de la justice ? De là le nouveau plan de réformes proposé à la fin de 1907 par le Cabinet britannique, accepté par la Russie, et qui comprend notamment une réorganisation de la justice sous le haut contrôle d’agens européens. Le roi Edouard VII et son ministre des Affaires étrangères rencontrent à Revel le tsar. Nicolas et le sien ; entre ces quatre hauts personnages le sort de la Macédoine est étudié ; l’accord se fait sur un programme développé de réformes. Encore un pas, que la presse parle déjà de franchir, et l’on demandera à la Porte d’accepter un gouverneur chrétien pour la Macédoine : peu à peu les fonctionnaires du Sultan ne seront plus que des comparses, d’inutiles spectateurs dont le fez attestera la suzeraineté du Sultan, mais, en fait, la Macédoine sera autonome. Et, quand on aura constaté les bienfaits d’un tel régime dans cette province de l’Empire, comment ne serait-on pas amené à l’appliquer aux autres ? Entre le système européen d’administration et ce minimum de gouvernement, cette tyrannie tempérée par l’anarchie qu’est le régime turc, telle est la marche fatale : la politique des réformes, dans l’Empire Ottoman, oscille entre le néant et l’autonomie, sans pouvoir s’arrêter longtemps à un stade intermédiaire. Cette politique ne pouvait être qu’une transition, un acheminement, soit vers un empire ottoman européanisé où aurait régné l’égalité des droits entre tous les sujets du Sultan, soit vers l’autonomie des provinces non turques. Les beaux projets de réformes savamment élaborés par les conférences d’ambassadeurs pouvaient avoir la valeur transitoire d’un expédient ; ils pouvaient satisfaire les diplomates formalistes, comme l’âme d’un notaire se réjouit d’un beau contrat, où les droits de chacun sont prévus et pesés, sans s’inquiéter si les époux sont mal assortis ; ils étaient inopérans pour apporter, à une situation douloureuse, une solution durable. Une heure devait nécessairement venir où cette situation se dénouerait dans un sens ou dans l’autre.


II

L’Europe a pu croire, à un moment critique de l’histoire de l’Empire Ottoman, que la solution viendrait des Turcs eux-mêmes et d’une réforme interne. La révolution du 23 juillet 1908 et