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sérieuses de réformes, c’est à la présence des petits Etats, à leurs progrès, à leur prudence, qu’il en faut attribuer le mérite.

L’histoire des réformes pour les trois vilayets de Macédoine est intéressante à suivre dans son développement. L’Autriche et la Russie s’étaient mises d’accord en 1897 pour pratiquer en Turquie une politique d’abstention commune ; c’était le temps où la Russie s’engageait à fond, en Asie, dans les entreprises qui devaient la conduire à Moukden et à Tsoushima ; elle souhaitait que le statu quo ne fut pas troublé en Europe, tandis qu’elle était occupée au loin. A partir de 1902, les troubles de Macédoine devenant de plus en plus graves, les deux « puissances de l’entente » se mettent d’accord pour demander à la Turquie l’application d’un programme modéré de réformes et, en même temps, elles agissent énergiquement à Sofia, à Belgrade et à Athènes pour recommander l’abstention et la prudence. Le Sultan, toujours fidèle à sa méthode, prend les devans, nomme un « inspecteur général des trois vilayets de Macédoine ; » il lui faut néanmoins accepter le contrôle, la présence de deux « agens civils, » l’un russe, l’autre autrichien. Leur action, jointe à celle de l’inspecteur Hilmi pacha, fut sensible, mais insuffisante. Ce fut la première phase des réformes ; elle consacrait un fait important ; l’Europe était représentée par deux paires d’yeux qui, à la vérité, ne pouvaient pas s’ouvrir aussi librement qu’il aurait fallu mais dont la présence n’en constituait pas moins une garantie. Bientôt, sous l’action des autres puissances, particulièrement de l’Angleterre, de la France et de l’Italie, la Porte dut accepter d’autres agens étrangers : ce furent quatre « conseillers financiers, » et trente-six officiers chargés de réorganiser la gendarmerie ottomane en Macédoine. Gendarmerie, finances, administration, voilà déjà trois branches essentielles d’un bon gouvernement soumises à la surveillance d’agens européens. Mais le fonctionnement de cet appareil compliqué est difficile : les agens européens ont-ils le droit d’ordonner, d’agir, ou seulement de contrôler et de faire des rapports ? L’unanimité n’existe pas parmi les puissances ; les Allemands n’ont envoyé qu’un seul officier comme commandant de l’école de gendarmerie ; ils entendent ne pas s’immiscer dans le gouvernement des provinces du Sultan. Au contraire l’Angleterre, la Russie suivent la ponte où les entraine la logique des faits ; comment la réforme des