définitive, les gouvernemens ne lui firent qu’un accueil nuancé de réserves. Elle n’aurait d’ailleurs pu aboutir à aucun résultat efficace, sinon à renouveler les tentatives tant de fois vaines pour peser sur la Porte et obtenir des réformes. A la dernière heure, M. Poincaré, avec beaucoup de décision, proposa un remède héroïque ; les puissances auraient « pris en mains » l’exécution des réformes : c’eut été le retour à la politique de Revel, un acheminement à une autonomie de fait de la Macédoine sous une tutelle européenne, un acheminement aussi sans doute à de graves difficultés pour l’application des réformes et le maintien du concert des puissances. Comment aurait-on pu espérer d’elles un accord durable quand, sur la formule même de M. Poincaré, des dissidences se manifestaient comme si le temps était encore aux discussions académiques. La Sublime-Porte essaya, de son côté, la parade classique ; elle déclara qu’elle n’avait besoin du concours de personne pour réaliser des réformes et, sans se mettre en frais d’imagination, elle sortit d’un carton où l’on eut, dit-on, quelque peine à la découvrir, la loi des Vilayets de 1880 ; elle en promit la mise en vigueur immédiate. Les quatre Etats alliés répondirent à ce bon billet par la mobilisation de leurs troupes et envoyèrent à Constantinople le programme minimum de leurs revendications. Ce programme est logique et apporte une solution : il aboutit en fait à la création, sous la souveraineté nominale du Sultan, d’une Macédoine autonome garantie par les Etats balkaniques. Du point de vue des alliés, ces demandes représentaient un minimum raisonnable ; elles ne pouvaient, du point de vue des Turcs, que paraître inacceptables. Ce fut la guerre. Elle n’a pas été provoquée, comme on l’a dit, par « l’ambition » de tel ou tel souverain des Balkans ; ou plutôt cette « ambition » elle-même était imposée aux rois des Etals chrétiens comme une nécessité absolue de leur politique ; la guerre devait fatalement sortir de l’impossibilité de réaliser des réformes en Turquie, c’est-à-dire de transformer la Turquie telle qu’elle est, avec son histoire, avec ses mœurs, ses conceptions politiques, son idéal religieux et social, en un Etat européen contemporain. La vieille Turquie se maintenait parce qu’elle restait elle-même et parce que les rivalités des grandes puissances favorisaient son jeu d’équilibre. L’échec de la Jeune-Turquie fit mieux ressortir toute la distance qui sépare
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