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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/435

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Les « records » obtenus par certains aviateurs ne doivent pas être pris comme bases d’un rendement normal de l’aviation en service. Ce sont des « performances » extraordinaires accomplies par des virtuoses et dans des conditions favorables. Elles seront dépassées, car les progrès sont incessans dans l’art de manœuvrer les appareils et dans celui de les construire. De mois en mois, de nouveaux perfectionnemens ajoutent à la solidité des aéroplanes, à la régularité et à la sécurité de leur emploi. Ils ne paraissent pas devoir ajouter beaucoup, surtout à bref délai, à la puissance des appareils.

Pour les trois élémens principaux : vitesse, durée et portée du vol, il serait imprudent de compter comme devant être la moyenne de demain ce qui est le maximum d’aujourd’hui. Nous croyons donc raisonnable d’attribuer à l’aéroplane destiné à assister la défense navale pendant les deux ou trois années prochaines, des facultés d’action se rapprochant plutôt des moyennes que des records de cette année. Ainsi, pour fixer les idées, nous admettrons comme vitesse normale en service de guerre 100 kilomètres à l’heure (au lieu de 160), pour la durée maximum du vol, sept heures (au lieu de treize)[1], et pour la portée maximum du vol, ou distance parcourue d’une seule traite, 600 kilomètres (au lieu de 1 000). De l’altitude, il n’y a pas à se préoccuper. L’aéroplane marin n’aura jamais besoin de s’élever jusqu’à 5 000 mètres, puisqu’il est pratiquement invulnérable à partir de 900 mètres et invisible à 1 500.

Au point de vue de la sécurité, l’aéronautique maritime possède sur l’aéronautique terrestre deux avantages. Le premier consiste dans le fait qu’il est moins dangereux de tomber sur l’eau que sur la terre. Le nombre des vols et celui des aviateurs augmente dans une proportion beaucoup plus forte que celui des chutes. Sans l’imprudence, le défaut d’aptitude ou d’éducation professionnelle de certains pilotes, les accidens seraient rares. Cependant, il y en aura toujours : et sur terre, hors des exercices à faible hauteur, la chute est presque toujours mortelle. Sur mer, elle ne le sera, sauf exceptions, que si l’aviateur naufragé est loin de tout secours, l’appareil étant supposé construit de manière à flotter pendant quelque temps, même ayant reçu de fortes avaries[2]

  1. Record de M. Fourny (13h 17m), le 11 septembre 1912.
  2. D’après les statistiques de l’Aéro-Club de France, le nombre des accidens mortels d’aéroplanes a été, en 1910, de 29 (dont 10 en France), et en 1911, de 71 (dont 26 en France). D’une année à l’autre, le nombre des voyages accomplis a passé de 3 000 à 13 000. La proportion du risque encouru par les aviateurs a donc diminué d’environ moitié.
    Dans l’aviation militaire, on trouve la même proportion en passant du 2e semestre de 1911 nu 1er semestre de 1912. Le nombre des accidens mortels a été, pour chacun d’eux, de neuf : alors que, d’un semestre à l’autre, le nombre des aviateurs et celui des kilomètres parcourus ont plus que doublé.