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Hélène et sa mère se mirent à discuter les questions du deuil. Marcelle, pour un conseil professionnel, entraîna Nicolas à l’autre bout de l’atelier.

— Ta femme va rester plusieurs jours là-bas, je pense. Nous aurons le temps de faire notre nid, hein ?

— Oh ! ne dis pas cela ! supplia l’artiste ; pense à sa douleur.

— Tu l’aimes encore ; je la déteste.

Elle le regardait, en parlant, jusqu’au fond de l’àme ; il en frissonna, et aussitôt un cri d’amour fut sur ses lèvres ; il ne se réprima qu’avec peine, en observant que, là-bas, Hélène s’était tue et les regardait.

Au dîner, qu’une tristesse assombrissait, on parlait peu, quand Marcelle, souverainement heureuse et incapable de jouer un chagrin qu’elle était si loin de ressentir, étonna tout le monde en prenant la parole.

— Tu sais, dit-elle à son père, je ne serai décidément pas de ton école. C’est Nicolas qui est dans le vrai ; c’est lui que je veux suivre ; il sera mon maître.

— Et l’atelier, et Seldermeyer ? s’écria Jenny Fontœuvre, effrayée.

— Je ne demande pas mieux, répondit Houchemagne, que de donner des conseils à Marcelle. Mais il serait bon qu’elle continuât ses cours. Seldermeyer est un excellent patron pour la technique et il faut avant tout que Marcelle possède un solide métier.

Elle soupira. Ils brûlaient l’un et l’autre de s’appartenir entièrement, même dans l’art. Il était jaloux de l’enseignement d’un autre ; elle réprouvait le moindre avis qui ne tombait pas des lèvres de Nicolas. Mais les cours des Beaux-Arts étaient nécessaires à leur mensonge. Quant au pauvre Fontœuvre, il répondit avec une amertume que Marcelle ne remarqua même pas :

— Tu es bien libre, ma petite, tu es bien libre.

Houchemagne, ce soir-là, partit fort tard. Il ne pouvait se résoudre à quitter Marcelle. Il trouva le moyen de lui glisser à l’oreille qu’il l’attendrait le lendemain, à l’heure du cours. C’était pour la conduire à l’appartement qui devait abriter leurs rencontres. Mais jusque-là, que ferait-il ? Un devoir, qu’il trouvait abominable, s’imposait à lui : écrire à Jeanne une lettre