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LE TRAIN DE MAISON
DEPUIS SEPT SIÈCLES[1]

II
CHEVAUX ET VOITURES

Le cheval, de nos jours, a changé de propriétaire et de métier. Il a quitté le riche pour le peuple. Il a cessé de voyager et de se battre ; il est devenu pacifique, laboureur et casanier.

Tout habillé d’or sous sa housse étincelante, depuis le chanfrein à panache qui orne sa tête jusqu’au fourreau souple qui enveloppe sa queue, le palefroi du moyen âge traverse lentement une foule inclinée. La bouche écumante et mâchant orgueilleusement son mors d’argent, coiffé de sa crinière flottante en l’air comme d’une grande perruque, la queue bien épaisse jusques à terre, le « cheval d’Espagne » au XVIIe siècle piaffe et rue avec majesté, suivant une cadence bienséante. Son écuyer a résolu le problème de mettre trois quarts d’heure pour parcourir au galop la distance de 500 mètres qu’il y a du manège de Versailles à la cour d’honneur. Sous Louis XVI légèrement harnaché, dépouillé des lourdes brides brodées, des houppes pendantes et des caparaçons de velours, le pur-sang anglais récemment importé, nerveux et sensible, passe en vitesse l’Arabe jadis réputé pour « humilier la foudre » à la course. On ne se pique plus de faire une lieue en six heures, mais six

  1. Voyez la Revue du 1er avril.