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L’Histoire de la campagne de Russie[1], comme ils ont célébré, dans les commémorations pieuses de Borodino et de Moscou, le centenaire de l’héroïsme et des souffrances de la Grande Armée que domine la figure de l’Empereur. Cela n’est-il pas extraordinaire, et qui ne voudrait avoir dans sa bibliothèque ce livre d’art historique ?

Les faits les plus gigantesques, les scènes les plus sublimes et les plus douloureuses de l’inexorable chevauchée, on les trouve fidèlement reflétés dans les toiles des peintres de bataille les plus habiles des deux pays. Sur les 56 peintures qui y sont reproduites, la plupart se trouvent au Palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg et paraissent pour la première fois par autorisation spéciale de l’Empereur de Russie.

C’est d’abord le formidable ébranlement de plus de six cent mille hommes, la marche triomphale de l’Empereur, de Paris à Dresde, de la Vistule sur le Niémen, au milieu des princes et des rois accourus le saluer, la poursuite décevante des Russes, la prise de Vitepsk et de Smolensk aux jours ensoleillés de l’été, puis l’Affaire des Cosaques de Platoff, où l’entrain de la mêlée est si bien rendu par le pinceau de Krassovski, les batailles près de Kliastitz, de Krasnoé, représentées par Guesse, celle de Smolensk, la Fuite de la population de Smolensk, du peintre Chtchoukine, tous les combats livrés sur la route de Smolensk à Moscou, tandis que la Grande Armée ne traverse que des Ailles incendiées par les Russes, Dorigoboj, Viazma, Gjalsk, Mojaïsk ; c’est enfin l’arrêt des Russes à Borodino, où Verestchaguine nous montre Napoléon si calme, méditant, à l’heure d’engager la bataille avec Koutouzoff, sur la position des deux armées, dont chacune comprenait environ 120 000 hommes, et devait en perdre plus de 40 000. Les tableaux de Guesse, Kotzebou, Dezarno, Verestchaguine nous font assister aux différentes phases du combat ; celui, si émouvant, de Matvieff à la recherche, sous la lueur des étoiles, par la veuve de Toutchkoff, du corps de son mari. Puis c’est l’hiver précoce survenu en septembre, à la veille de la bataille de la Moskowa, « la victoire indécise, le champ de carnage où chacune des deux armées couche sur des monceaux de cadavres. » Napoléon devant Moscou, l’Incendie du Kremlin, A travers l’incendie, l’Incendie de Zamoskvoretchia, « la muraille de flamme rabattue sur les conquérans, la ville du rêve s’effondrant dans le brasier allumé par Rostoptchine[2]. » Voici, de Verestchaguine encore, l’interminable Retraite, qui commence le 19 octobre, les Chevaux campant dans la cathédrale d’Ouspegnia, Davout au Monastère, A Gorodmy, A l’Étape, Dans les neiges, l’Attaque,

  1. Ernest Flammarion.
  2. E. -M. de Vogué, Revue du 1er mai 1910.