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Halte de nuit de la Grande Année, Les Partisans : En 1812, par Prianichnikoff, scènes non moins tragiques et saisissantes que la Retraite de Russie de Charlet, les batailles de Taroutine, de Pololzk, de Iaroslametz, de Viazma, de Losmine, la Traversée de la Bérézina par Guesse, le Maréchal Ney à l’arrière-garde, la célèbre toile d’Yvon. À partir du terrible passage de la Bérézina, il n’y a plus qu’une déroute sans fin, « la procession, chaque jour réduite, des spectres allâmes, leur détresse croissante et leur morne désespoir, le cercle glacé de l’enfer dantesque qui s’élargit à l’infini devant eux, » comme l’a si éloquemment écrit l’incomparable écrivain dont l’action incessante et profonde a tant contribué au rapprochement des deux nations, et qu’il faut toujours rappeler quand on parle des choses de Russie. Tous ces peintres français ou russes donnent « la sensation continue de cette navrance, » nous font assister au plus émouvant spectacle qu’ait fourni l’existence de l’homme que l’adversité comme le triomphe a fait plus grand que nature, et l’on suit avec d’autant plus d’émotion l’évolution du drame que l’on y voit apparaître, dans l’ombre de l’Empereur, tous les personnages qui en furent les témoins et les acteurs et qui revivent ici dans les portraits de Verestchaguine, de Kruger, de Matzkewitsch, de Doou, de Scheffer, de Maurin, de Gérard.


Il neigeait. On était vaincu par sa conquête
……….
Il neigeait. L’âpre hiver tondait en avalanche.
Après la plaine Manche une autre plaine Manche.
………..
La solitude, vaste, épouvantable à voir
Partout apparaissait, muette vengeresse,
Le ciel faisait sans bruit avec la neige épaisse,
Pour cette immense armée un immense linceul…


Depuis ses origines, la France a été le pays prédestiné où la poésie a immortalisé les qualités à la fois héroïques et généreuses de la race. La Légende des Siècles s’est inspirée de la Chanson de Roland[1], l’Épopée française par excellence. Entre toutes les chansons de geste du moyen âge, elle est celle qui caractérise le mieux notre poésie épique. Roland reste le type même de notre Epopée chevaleresque, comme Jeanne d’Arc[2], dont la statue se dresse aujourd’hui sur les autels, en est l’Épopée sainte. Dans les compositions de M. J.-G. Cornélius, animées d’un souffle guerrier et pathétique, les figures de Charlemagne, de Roland, de Turpin y sont évoquées dans les plus

  1. H. Laurens.
  2. Boivin.