point songé à demander. Le vote de jeudi signifie que, pour les provinces anglaises, la marine canadienne n’est pas assez impérialiste.
Ce sentiment, on l’a avivé et rendu irrésistible en représentant la convention de réciprocité avec les Etats-Unis comme une étape vers l’annexion et une séparation définitive de nos intérêts commerciaux d’avec ceux de l’Empire. C’est la seule explication du fait que dans les comtés qui font du commerce régulièrement avec les Etats-Unis et qui devaient bénéficier de la réciprocité, partout où la majorité était d’origine britannique, le vote a été donné contre la réciprocité. La presque unanimité de la province d’Ontario est une preuve indiscutable de ce que nous avançons. Jamais cette province n’avait exprimé de manière plus éclatante sa détermination de maintenir le Canada sous la tutelle de l’Empire et de lier ses destinées économiques et politiques aussi étroitement que possible à celles de la Grande-Bretagne.
Impérialisme économique, impérialisme sentimental, voilà donc, à côté des intérêts purement protectionnistes, qui leur ont servi de soutien et s’en sont servis parfois comme de masque, deux idées qui ont assurément joué un rôle considérable dans les élections canadiennes. Cela justifie en quelque mesure l’enthousiasme qu’elles ont suscité dans le parti conservateur anglais, dans les journaux impérialistes, le Times en tête, et chez tous les impérialistes, de l’Angleterre à la Nouvelle-Zélande. Là n’ont pas été pourtant les seuls facteurs de la défaite libérale, et, à y regarder de près, peut-être les impérialistes devraient-ils un peu déchanter.
Un curieux phénomène s’est produit à ces élections. Très atteint dans l’Ontario, M. Laurier l’a été aussi dans la province de Québec. Ses partisans y sont tombés de 52 à 38, ses adversaires ont passé de 13 à 27. Il a perdu 5 sièges au profit des conservateurs et 9 au profit du petit groupe nationaliste, que M. Henri Bourassa représentait jusqu’ici seul au Parlement. Trop Français aux yeux des Canadiens anglais, sir Wilfrid Laurier paraît trop Anglais à bon nombre de Canadiens français. De là est né un mouvement, dont M. Jacques Bardoux a parfaitement décrit la genèse dans un récent article de la Revue, Cédant aux séductions que les Anglais sont si habiles à exercer quand ils le veulent, l’ancien premier ministre, si fin pourtant, a peut-être un peu oublié la force des sentimens, des instincts de race. Beaucoup de ses compatriotes ne lui ont pas pardonné l’envoi dans l’Afrique du Sud, pour lutter contre les Boers, de volontaires canadiens, parmi lesquels presque aucun Français ne s’est enrôlé. Ils ont trouvé excessive et onéreuse la modeste