a un luministe, attentif aux moindres reflets : voyez la lumière sous-jacente, dorée, reflétée par le marbre tout le long du soleret et sur la chaussure de fer articulée, et il y a un coloriste ingénieux à rompre ses teintes : voyez comme l’écharpe qui flotte autour de l’épée change de ton à mesure qu’elle descend dans l’ombre.
Il y a, enfin, ici un physionomiste profond et subtil. Avant toute chose, en abordant ce tableau, nous avons vu ceci : un chevalier protégé par une Madone, et sur quelque point que se soit portée ensuite notre attention, elle a été invinciblement ramenée vers ceci : la main protectrice de la Vierge. Tout y tend, toutes les lignes y montent ou y retombent. Tous les regards convergent vers cette main. Or, on suit les yeux qui sont dans un tableau comme on suit les yeux d’une foule dans, la rue, et l’on regarde ce qu’ils regardent malgré soi, par une pente magnétique invincible.
Le génie de l’artiste a été de se servir de cette loi physiologique pour exalter un sentiment moral, en faisant que le point magnétique du tableau fût, en même temps, le point capital de toute l’histoire, de tout le drame, de toute la commémoration.
Si ce tableau est là, sur cet autel, si cet arc de triomphe est dressé, si ce peuple adoré, si les saints patrons de Mantoue sont apparus, c’est que cette main s’est étendue sur cette tête, au jour du danger.
Et cette tête, elle-même, à demi sauvage, quel art profond et subtil ne fallait-il pas, pour en faire ce qu’elle est là ! Certes, on la reconnaît et le peintre ne se serait pas risqué à mépriser la ressemblance, quand tout un peuple, qui connaissait le modèle, était là, pour en juger. Et nous savons que le peuple en fut ravi, chacun défilant devant le tableau, pour mieux célébrer le talent du portraitiste. Mais il a su trouver l’angle exact par où les défauts de ce masque s’atténuaient le mieux, et l’expression qui pouvait le transfigurer en un radieux visage. Mantegna avait soixante-cinq ans lorsqu’il peignit ce tableau. Il y avait trente-deux ans qu’il regardait les Gonzague, grand-père, père, fils et petit-fils, de profil, de face, de trois-quarts, assis, debout, avec leurs femmes, leurs chiens, leurs chevaux et leurs nains. L’épreuve était moins périlleuse pour lui que pour d’autres. Pourtant, sans une profonde science physionomiste, il n’en eût pas triomphé.