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Si c’est là aujourd’hui, qu’est-ce que sera demain, ou qu’est-ce que demain voudra faire ? Qu’a voulu dire M. Caillaux à Saint-Calais, en annonçant énigmatiquement de vastes remaniemens de la carte d’Afrique ? Et ce qu’ont dit M. de Kiderlen-Waechter ou M. de Bethmann-Holhveg au Reichstag, sir Edward Grey lui-même à la Chambre des communes, est-ce un écho ou une réponse ? Quel festin s’apprête donc « dans ces tractations mondiales ? » Pour ce qui est fait, pour ce qui est dès maintenant acquis, — et abandonné, — « quelles raisons ont déterminé le gouvernement à conclure un traité si pénible pour nous, si périlleux pour d’autres ? » Mais ce n’est pas assez de demander pourquoi. Où et quand ? « Quand et comment a pris naissance la pensée de cet abandon territorial qu’on est convenu d’appeler le prix du protectorat du Maroc ? » — « J’espère, appuie M. de Mun, que le gouvernement voudra bien donner à la Chambre, à cet égard, des explications très précises. » Ici le Journal officiel enregistre : « M. JOSEPH CAILLAUX, président du Conseil, ministre de l’Intérieur. — Parfaitement. » Et c’est la première réponse de M. le président du Conseil, qui n’hésitera pas à la renouveler plusieurs fois ; mais, comme on le verra par la suite, ce sera la seule.

Or M. le comte Albert de Mun posa cette troisième question : « Pourquoi le Panther est-il allé à Agadir ? » Et tout de suite il indiqua : ce n’est pas pour assurer à l’Allemagne une base navale sur l’Atlantique : l’ambassadeur impérial à Londres, le comte Wolff-Metternich, l’a déclaré, le 24 juillet, à sir Edward Grey. Est-ce pour protester contre l’expédition française à Fez ? Le Times, généralement bien informé et, en tout cas, l’une de nos rares sources d’information, assure que non, que l’Allemagne avait reçu sans protester la communication que lui avait faite de son dessein le gouvernement delà République. Mais si ce n’est pas pour cela, alors, pourquoi ? Nous ne le savons pas ; qu’on nous le dise. Serait-ce pour nous forcer à continuer une conversation commencée ou à reprendre une conversation interrompue ? Possible, mais on causait donc ? Eh ! oui, on causait bien avant Agadir ; « on causait partout, on causait à Paris, on causait à Berlin, on causait officiellement, on causait officieusement, on causait entre ambassadeurs, on causait entre financiers. » De quoi, sinon du Congo ? Notons en passant qu’il est certain, par une conversation tenue à Paris le 17 juin, entre personnages qualifiés (mais nous ne dirons pas si ce sont des financiers ou des ambassadeurs), qu’à cette date, treize jours avant l’arrivée de la canonnière à Agadir, on avait déjà sérieusement causé à Berlin et du Maroc