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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 7.djvu/400

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avec certaine intrigante austro-anglaise qui se flatte d’être la bête noire de Napoléon. A Athènes, il sauve la vie d’une pauvre fille que les Turcs se préparent à jeter à la mer dans un sac pour fait d’inconduite. Lorsque la victime sort du sac, il reconnaît que c’est lui, Byron, qui a été le héros de l’intrigue et, par conséquent, la cause de l’événement. La question réglée avec quelques pièces d’or, Byron renvoie la jeune fille à Thèbes, dans sa famille, où elle meurt quelques jours plus tard, « de la fièvre, peut-être d’amour, » conclut le Journal du poète. Je conviens que l’aventure n’est pas vulgaire, mais pourquoi faut-il qu’un doute s’élève sur l’identité du séducteur ? Peut-être est-ce le valet de Byron, et non Byron lui-même, que la jeune Thébaine avait aimé.

Je passe sous silence l’histoire burlesque d’une femme de médecin qui veut absolument se donner à Byron. Ne la jugeant pas désirable, il la renvoie à son mari qui, de nouveau, la lui retourne. Il y a là le scénario d’une comédie qui pourrait s’intituler : La maîtresse malgré lui. Finalement, il emmène cette femme dans ses bagages jusqu’à Londres où il la perd dans la foule. Il revient avec un manuscrit dans sa poche, sans parler d’une série d’impressions différentes qui trouveront place dans Don Juan. Mais la bouffonnerie amère de Don Juan ne naîtra qu’après les misères morales de 1815 et de 1810 : la note presque exclusive de Childe Harold, c’est la déclamation grandiose. Il n’y a de commun entre les deux poèmes que l’odeur de la mer.

Pour le lancement du premier, Byron s’en remit à un homme de lettres auquel il abandonna, pour sa récompense, les droits d’auteur ; mais il prit, sans se montrer, une part active à l’opération qui me semble avoir été conduite de la façon la plus brillante et d’après des méthodes qu’eussent enviées nos modernes entrepreneurs de succès. Byron fit ou laissa raconter dans les journaux que, dans un coin peu connu de l’Archipel, il s’était amusé à jouer au pirate et pris un navire turc a l’abordage. Ce qui est remarquable, c’est que l’incident s’était passé à une date où le sage et véridique Hobhouse n’était plus auprès de lui. Une autre réclame fut le discours qui servit de début à Byron dans la Chambre des Pairs. Ce discours contenait des allusions sympathiques à ce que nous appellerions aujourd’hui la cause démocratique. L’orateur, touchant à des questions dont